20 Minutes (Lille)

«Grâce à Dieu»

La justice donne son feu vert pour la sortie du film d’Ozon

- Caroline Vié

Grâce à Dieu, le film de François Ozon sur la pédophilie dans l’Eglise, sortira bien dans les salles ce mercredi. La justice a donné son feu vert deux fois de suite. Le long-métrage est inspiré de l’affaire Preynat, un prêtre soupçonné d’agressions sexuelles sur des enfants dans la région lyonnaise, dans les années 1980 et 1990. Sa défense avait assigné en référé le réalisateu­r pour obtenir un report de la sortie de son film afin de ne pas porter atteinte à sa présomptio­n d’innocence. Elle a été déboutée lundi. Parallèlem­ent, le réalisateu­r a été assigné en référé par Régine Maire, ex-membre du diocèse de Lyon, poursuivie aux côtés de l’archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, pour non-dénonciati­on. Elle demandait que son nom soit retiré du film, au nom de la protection de la vie privée et de la présomptio­n d’innocence. Elle a, elle aussi, été déboutée.

Couronné d’un Ours d’argent à Berlin samedi, Grâce à Dieu se place du côté des victimes de pédophilie. « Il n’y a pas que les victimes directes qui ont subi ces crimes mais aussi leurs familles, explique François Ozon, interrogé par 20 Minutes avant les décisions de justice. Tous ont payé cher ces abus avec lesquels il leur faut composer. » A l’écran, Melvil Poupaud, Eric Caravaca, Denis Ménochet et Swann Arlaud sont bouleversa­nts dans la peau de ces hommes qui ont créé, en 2015, l’associatio­n de victimes La Parole libérée.

« Grâce à Dieu, ce ne sont pas les bons contre les méchants, précise le réalisateu­r. J’ai voulu que le spectateur se fasse son opinion lui-même en respectant la présomptio­n d’innocence et la complexité de ces affaires. » Les scènes de rencontres entre les victimes et les autorités religieuse­s sont particuliè­rement intenses. La solidarité entre des victimes issues de milieux différents, également. « Il n’y a pas d’enfant abusé type, il n’y a que de la souffrance », précise le réalisateu­r, qui s’est davantage penché sur les circonstan­ces des agressions que sur les actes. « Je trouvais plus fort de laisser le public les imaginer. » Bien que douloureus­es, ces séquences ne sont jamais sordides, mais pudiques et nécessaire­s.

Le but de François Ozon n’est pas de s’en prendre à l’Eglise mais à ceux qui n’ont pas parlé. « Il n’y a pas si longtemps, l’Eglise mettait dans le même sac homosexual­ité et pédocrimin­alité, se souvient le cinéaste. L’institutio­n commence seulement à comprendre qu’on ne peut assimiler une orientatio­n sexuelle à une perversion passible de poursuites judiciaire­s. » Le film dénonce le fait que l’institutio­n catholique ait tenté de minimiser l’impact des agressions sexuelles. « Tant que l’Eglise n’aura pas reconnu la gravité de ces faits, les victimes ne pourront pas guérir. »

« J’ai voulu que le spectateur se fasse son opinion lui-même.»

François Ozon, réalisateu­r

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Swann Arlaud et Josiane Balasko jouent une victime et sa mère.

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