Après un départ raté, leLive veut s’inscrire dans la durée
Le format novateur, qui réunit youtubeurs et animateurs télé, laisse perplexes les spécialistes de YouTube
C’est l’histoire d’un nouveau programme, créé par le géant des médias Webedia, qui s’est donné pour mission de renouveler les codes de l’audiovisuel. Mais, pour l’instant, leLive, une émission entre la webtélé et le réseau social, regroupant des personnalités de la télévision (Agathe Auproux, Kevin Razy, Arthur, etc.) et des stars de YouTube (Cyprien, Norman, Hugo Décrypte, etc.), essuie une tempête. Son lancement, lundi à 18 h, tenait même plutôt du naufrage.
«Deux mondes parallèles»
Des problèmes de son et de connexion ont d’abord perturbé le visionnage. Surtout, l’émission s’est fait bannir de la plateforme Twitch, son principal canal de diffusion, après que l’animateur Kevin Razy, aux manettes pour cette première, a utilisé le mot « nigger », autrement appelé aux EtatsUnis « n-word », pour éviter de prononcer le mot «nègre», en français.
« Le souci, c’est qu’il y a deux types de publics, deux mondes parallèles : les youtubeurs, et la télévision. L’humour n’est pas le même», analyse Daniel Ichbiah, auteur de Devenir youtubeur [Omaké Books]. « Ça reste une bonne idée de faire des lives, mais c’est un challenge d’adopter les codes des plateaux télé, estime de son côté Jean-Baptiste Viet, auteur de Youtubeur. Créer des vidéos et des millions de vues sur YouTube [Eyrolles]. C’est bien d’aller là où est la jeune génération. Mais, techniquement, ils n’ont peut-être pas assez testé le truc avant. » Un avis partagé par Daniel Ichbiah : « Ils ont visé trop haut. Quand on lance un jeu vidéo, par exemple, on le teste toujours avec un échantillon de joueurs. » Malgré les couacs, le mot d’ordre serait donc de maintenir le cap, une fois digéré le déferlement de critiques. «C’est aussi le problème des réseaux sociaux, les réactions sont souvent trop rapides, le droit à l’erreur est très faible. Il y a toujours un leadeur qui commence, et c’est la foire d’empoigne. Sur YouTube, si on a des critiques, on peut rectifier. En live, c’est différent », observe Daniel Ichbiah qui reste cependant optimiste pour la suite : «On a déjà vu des lancements catastrophiques, le Newton d’Apple, même Windows de Microsoft, et ça ne veut rien dire de l’avenir. » Des codes différents, une gestion compliquée des trolls, c’est aussi l’avis de Vincent Manilève, auteur de YouTube derrière les écrans. Ses artistes, ses héros, ses escrocs [Lemieux éditeur] : « Ces personnalités viennent en partie de la télé et ne connaissent pas vraiment des plateformes comme Twitch, et les aléas de l’interactivité. Kevin Razy semblait perdu face au chat (et les horribles commentaires).» Webedia compte, malgré tout, poursuivre ce projet de chaîne destinée aux moins de 35 ans, en direct et interactive. « On a eu deux, trois soucis, mais que ceux qui n’ont jamais bugué en lançant un projet nous jettent la première pierre!», a twitté l’entreprise.