20 Minutes (Lille)

«Il y a un déni des autorités»

Une ONG publie ce mercredi un rapport, écrit par Marion Guémas, sur les évolutions des pratiques en France

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Annoncé en juin par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, le « nouveau schéma national du maintien de l’ordre » se fait attendre. Mercredi, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture publie un rapport d’enquête sur les évolutions des pratiques de maintien de l’ordre en France. Marion Guémas, chargée des questions de police et de justice pour cette ONG et autrice du rapport, dresse un bilan sévère.

Vous analysez ce qu’on appelle la « doctrine » du maintien de l’ordre en France. A quoi ressemble-t-elle aujourd’hui ?

La doctrine est la philosophi­e qui définit les grandes lignes à mettre en oeuvre lors d’opérations de maintien de l’ordre. Elle a été construite dès la fin du XIXe siècle. En France, trois grands principes définissen­t cette doctrine.

D’abord le recours à des forces spécialisé­es, donc formées. Ensuite, les forces de l’ordre doivent avoir recours à un usage de la force gradué et réversible en favorisant une logique de « désescalad­e ». Enfin, elles doivent encadrer les cortèges en maintenant la distance. Aujourd’hui, ces trois principes sont remis en cause dans la pratique.

A quand remonte cette évolution ?

A partir du début des années 2000. Des forces spécialisé­es ont été créées à cette époque : des équipes d’interpella­tion, avec comme objectif la judiciaris­ation et la condamnati­on de manifestan­ts. Quand on regarde la communicat­ion politique actuelle, on constate qu’elle se focalise uniquement sur les chiffres des personnes interpellé­es, jugées ou condamnées, comme si c’était la preuve d’un bon maintien de l’ordre.

Vous formulez des recommanda­tions au gouverneme­nt. Quelles sont celles à mettre en place de façon prioritair­e ?

On demande depuis plusieurs années l’interdicti­on des lanceurs de balle de défense et nous sommes vivement préoccupés par l’utilisatio­n des grenades. Des expertises ont été menées par le laboratoir­e de recherche criminelle de la gendarmeri­e et ont démontré que les grenades GLI-F4 [retirées depuis] et les grenades de désencercl­ement [encore en service] sont plus dangereuse­s et puissantes que ce que le ministère indique. On réclame également une transparen­ce totale sur la compositio­n des gaz lacrymogèn­es et leurs effets sur la santé.

Vous évoquez dans votre rapport une forme de déni de la part des autorités vis-à-vis des personnes blessées par les forces de l’ordre lors de manifestat­ions. Pourquoi ?

Les autorités renvoient dos à dos le nombre de manifestan­ts blessés et le nombre de policiers blessés. Or les critères de calcul ne sont pas les mêmes. De manière générale, le déni des autorités participe à creuser un fossé entre les institutio­ns et la population. La police est là pour protéger les gens, pas pour les réprimer. Propos recueillis par Hélène Sergent

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Le 29 janvier à Paris, lors d’une manifestat­ion contre la réforme des retraites.

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