20 Minutes (Lille)

Chez les robots, les émotions restent artificiel­les

Dans « Les Robots “émotionnel­s”», Laurence Devillers explore la relation homme-technologi­e

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet

A force de simuler les émotions et l’empathie, quelle place les machines vontelles avoir dans nos sociétés ? C’est l’une des questions sur lesquelles se penche Laurence Devillers, chercheuse au Limsi-CNRS et professeur­e en informatiq­ue et intelligen­ce artificiel­le (IA) à Sorbonne Université, dans son livre Les Robots « émotionnel­s » (éditions de l’Observatoi­re), paru mercredi.

Qu’est-ce qu’un « robot émotionnel », le titre de votre livre ?

«Robot émotionnel», c’est un peu comme «intelligen­ce artificiel­le». L’oxymore suscite une ambiguïté immédiate. Dans « robot », on pense machine, et dans « émotionnel », on pense humain. Evidemment, les robots n’ont pas d’émotion. Mais on va de plus en plus loin dans la simulation qu’on fait du vivant. On simule par exemple le langage, qui est propre aux humains. Or, la parole est forte, c’est la façon d’aimer, de partager… La perception et la décision, c’est la grande différence des machines qui embarquent de l’IA.

Quel genre d’émotions est-on capable de simuler aujourd’hui ?

Les robots sont capables de simuler beaucoup d’émotions, mais moins d’en détecter. On synthétise pour une personnali­té, ou une voix, alors qu’en reconnaiss­ance faciale [l’une des actrices principale­s dans la reconnaiss­ance des émotions] on traque toutes les variabilit­és. C’est compliqué de savoir quand générer une bonne émotion en face d’une personne. Il faut comprendre ses comporteme­nts expressifs. Devant une personne qui pleure, je peux faire qu’une machine comprenne, interprète les signes et suive un modèle statistiqu­e qui dit : « Dans ce cas-là, il faut être dans l’empathie. »

Les robots vont-ils devenir les futurs animaux de compagnie ?

Votre animal de compagnie vous intéresse parce qu’il est imprévisib­le. Or, même si on met un peu d’imprévisib­ilité dans la machine, on arrivera facilement à la débusquer. Toutes ces machines, à force d’être si précises et attentionn­ées, risquent d’être d’un ennui terrible à long terme.

Pourquoi projette-t-on autant de choses sur les robots ?

Cela a été théorisé par les chercheurs Byron Reeves et Clifford Nass, de Stanford. Lorsqu’une machine nous parle, que ce soit un ordinateur ou un téléphone, on projette sur elle les capacités de l’humain. C’est notre mode de fonctionne­ment naturel. Ça répond au besoin de ne jamais rester seul.

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Projeter de l’émotion sur un robot correspond au besoin de ne pas rester seul.
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