Les apiculteurs ont le bourdon
Colère A la baisse de leur production s’ajoute la réintroduction des insecticides tueurs d’abeilles dans les champs de betterave
Il n’y a plus de saison pour le miel. Traditionnellement récoltée d’avril à mi-août, la substance sucrée produite par les abeilles à partir du nectar de fleur se fait de plus en plus rare. En cause, les périodes de sécheresse qui se multiplient ces dernières années au grand dam des apiculteurs.
« S’il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de nectar donc pas de miel. Mais comme en plus, il fait chaud, il y a aussi une raréfaction des fleurs. Depuis trois ans, le miel de fleurs est en diminution. Tout cela impacte forcément la récolte », déplore Marc Leroy, apiculteur basé à Cagnoncles, près de Cambrai (Nord).
Ce féru d’abeilles constate une diminution de la production de miel dans la région depuis plusieurs années. « Il y a encore trente ans, on produisait facilement 40 kg par ruche.
Aujourd’hui, si on produit 20 kg, on est content. »
Saisons plus courtes, sécheresses fréquentes, floraisons avancées, différents phénomènes climatiques ont déréglé et diminué progressivement la production. Même si les récoltes sont plus ou moins importantes en fonction de l’endroit où sont situées les ruches. « Ce sont des phénomènes ponctuels. Par exemple si l’été a été mauvais cette année, le printemps a été plutôt bon», contrebalance Thomas Devienne, apiculteur basé à La Madeleine, près de Lille.
«On fait un pas en arrière»
Au-delà du climat forcément préoccupant, ce qui inquiète surtout les producteurs de miel est le rétropédalage effectué au coeur de l’été par le gouvernement. En 2018, la France avait décidé d’interdire définitivement les néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d’abeilles. Mais le 5 août dernier, ils ont été de nouveau autorisés jusqu’en 2023 dans les champs de betterave afin de lutter contre la prolifération de pucerons provoquant la jaunisse. Une dérogation qui ne passe pas.
« Ce qui est en train de se passer est catastrophique. On avait fait un pas extraordinaire en interdisant les néonicotinoïdes à 100 % et là, on fait un pas en arrière. On favorise l’un pour détruire l’autre. Si on met du néonicotinoïde sur le plant de betterave et qu’on change ensuite par une autre culture, la terre sera polluée quoi qu’il arrive », déplore Thomas Devienne. « Pendant la nuit, la plante pompe de l’eau et rejette le surplus d’eau par les feuilles, poursuit celui qui est aussi président du groupement sanitaire apicole du Nord. Comme le surplus est passé par les racines et donc par la zone polluée, il y aura du néonicotinoïde dans l’eau aussi. L’abeille va ensuite venir pomper cette eau et va s’empoisonner avec. » Afin de protester contre ces dérogations, les apiculteurs pourraient se mobiliser dans les prochaines semaines. Histoire de faire entendre leur colère à l’issue de cet été meurtrier.