Le bio protège-t-il les betteraves ?
Agriculture Alors que le débat sur les néonicotinoïdes fait rage, la jaunisse semble beaucoup moins toucher certains champs
Ils sont soupçonnés d’être un fossoyeur des abeilles. Depuis plusieurs semaines, le débat fait rage autour du projet de loi réautorisant les néonicotinoïdes. Un projet qui doit passer en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ces jours-ci, avant d’être discuté et voté en séance plénière, le 5 octobre. La seule solution à la jaunisse des betteraves ?
« Sans les néonicotinoïdes, il faut traiter davantage quand la plante est touchée. Je ne sais pas si c’est mieux », avoue Hervé Lingrand, dernier agriculteur de Leforest, près de Douai. A la tête de ses 130 ha, exploités en commun avec son frère, il cultive depuis toujours des betteraves sur quelques parcelles. Or, tous deux ne traitent plus du tout depuis qu’ils ont décidé de convertir leur production en bio, il y a deux ans. «Le seul traitement, c’est l’huile de coude », plaisante Hervé Lingrand. Une conversion qu’il ne regrette pas. Alors que la jaunisse ravage les champs de ses collègues en conventionnel, ses parcelles ont été plutôt épargnées, « comme chez tous les agriculteurs bio dans la région », assure-t-on chez Bio en Hauts-de-France.
« Le plus grave, pour l’instant, c’est le manque d’eau. Avec les attaques de pucerons qui apportent la jaunisse, on risque d’avoir environ 10 % de perte en sucrière et fourragère. Ça reste raisonnable », prédit Hervé Lingrand. Pour Loïc Tridon, responsable de la filière betteraves bio, « deux causes expliquent cette quasi-absence de jaunisse : la date de semis plus tardive, après le passage des pucerons, et la fertilisation moins minérale des sols qui rendent les betteraves moins appétissantes pour ces pucerons ». « La problématique de la jaunisse n’est pas agronomique, mais est liée au modèle économique », estime-t-on à Bio en Hauts-de-France.
Un prix à payer
Dans les Hauts-de-France, rares sont ceux, pourtant, qui ont franchi le pas. « Il y a la peur de l’inconnu, car les repères techniques sont totalement différents, avance Hervé Lingrand. Et puis c’est compliqué de désherber, même si des solutions mécaniques commencent à apparaître. » Lui-même, en passant au bio, a dû diviser ses 12 ha de betteraves par deux. «C’était trop de boulot, et on voulait voir d’abord les débouchés », glisset-il. Ce n’est que l’an dernier qu’une sucrerie de Téréos, à Attin, dans le Pas-de-Calais, a commencé à transformer certains volumes bio : 200 ha en 2019, 500 ha pour une soixantaine de producteurs, cette année. Une goutte d’eau dans l’industrie sucrière. Néanmoins, les premiers sucres cristallisés bio type vergeoise devraient voir le jour dès 2021. « En se convertissant, on accepte les caprices de la nature, souligne Hervé Lingrand. Il faut maintenant que les consommateurs assument un prix plus élevé. »