20 Minutes (Lille)

Le bio protège-t-il les betteraves ?

Agricultur­e Alors que le débat sur les néonicotin­oïdes fait rage, la jaunisse semble beaucoup moins toucher certains champs

- Gilles Durand

Ils sont soupçonnés d’être un fossoyeur des abeilles. Depuis plusieurs semaines, le débat fait rage autour du projet de loi réautorisa­nt les néonicotin­oïdes. Un projet qui doit passer en commission des affaires économique­s de l’Assemblée nationale ces jours-ci, avant d’être discuté et voté en séance plénière, le 5 octobre. La seule solution à la jaunisse des betteraves ?

« Sans les néonicotin­oïdes, il faut traiter davantage quand la plante est touchée. Je ne sais pas si c’est mieux », avoue Hervé Lingrand, dernier agriculteu­r de Leforest, près de Douai. A la tête de ses 130 ha, exploités en commun avec son frère, il cultive depuis toujours des betteraves sur quelques parcelles. Or, tous deux ne traitent plus du tout depuis qu’ils ont décidé de convertir leur production en bio, il y a deux ans. «Le seul traitement, c’est l’huile de coude », plaisante Hervé Lingrand. Une conversion qu’il ne regrette pas. Alors que la jaunisse ravage les champs de ses collègues en convention­nel, ses parcelles ont été plutôt épargnées, « comme chez tous les agriculteu­rs bio dans la région », assure-t-on chez Bio en Hauts-de-France.

« Le plus grave, pour l’instant, c’est le manque d’eau. Avec les attaques de pucerons qui apportent la jaunisse, on risque d’avoir environ 10 % de perte en sucrière et fourragère. Ça reste raisonnabl­e », prédit Hervé Lingrand. Pour Loïc Tridon, responsabl­e de la filière betteraves bio, « deux causes expliquent cette quasi-absence de jaunisse : la date de semis plus tardive, après le passage des pucerons, et la fertilisat­ion moins minérale des sols qui rendent les betteraves moins appétissan­tes pour ces pucerons ». « La problémati­que de la jaunisse n’est pas agronomiqu­e, mais est liée au modèle économique », estime-t-on à Bio en Hauts-de-France.

Un prix à payer

Dans les Hauts-de-France, rares sont ceux, pourtant, qui ont franchi le pas. « Il y a la peur de l’inconnu, car les repères techniques sont totalement différents, avance Hervé Lingrand. Et puis c’est compliqué de désherber, même si des solutions mécaniques commencent à apparaître. » Lui-même, en passant au bio, a dû diviser ses 12 ha de betteraves par deux. «C’était trop de boulot, et on voulait voir d’abord les débouchés », glisset-il. Ce n’est que l’an dernier qu’une sucrerie de Téréos, à Attin, dans le Pas-de-Calais, a commencé à transforme­r certains volumes bio : 200 ha en 2019, 500 ha pour une soixantain­e de producteur­s, cette année. Une goutte d’eau dans l’industrie sucrière. Néanmoins, les premiers sucres cristallis­és bio type vergeoise devraient voir le jour dès 2021. « En se convertiss­ant, on accepte les caprices de la nature, souligne Hervé Lingrand. Il faut maintenant que les consommate­urs assument un prix plus élevé. »

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L’exploitati­on d’Hervé Lingrand, à Leforest, dans le Nord.

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