Sébastien Treyer assure que la COP21 change la donne
Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société
Samedi 12 décembre 2015, l’accord de Paris sur le climat vient d’être adopté à la COP21. Pas moins de 195 Etats s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en vue de stabiliser le réchauffement climatique, dû aux activités humaines, « nettement en dessous » de 2 °C d’ici à 2100. Aujourd’hui, que reste-t-il de cet accord ? Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), think tank indépendant, répond à 20 Minutes.
En quoi la COP21 a-t-elle marqué un tournant dans la lutte contre le changement climatique ?
Jusqu’en 2009 et la COP15 à Copenhague, la réduction des émissions de gaz à effet de serre était vue par les Etats comme un fardeau à se partager. Entre 2009 et 2015, la perspective a peu à peu évolué. La COP21 et l’accord de Paris sur le climat ont mis en place une nouvelle dynamique. L’ensemble des pays du monde, y compris donc les grandes économies de la planète, ont annoncé que leur objectif à long terme était la neutralité carbone. On change alors de perspective.
Qu’est-ce qui a fait de la COP21 une réussite ?
En amont, il y a eu un travail diplomatique de fond de la France, ainsi que d’autres pays et d’experts, pour convaincre l’ensemble des Etats de réduire leurs émissions. Pas tant au nom d’un effort collectif, mais dans leurs propres intérêts.
Cet état d’esprit perdure-t-il aujourd’hui ?
C’est ce qui est remarquable. Cinq ans plus tard, cet état d’esprit tient solidement, malgré les incertitudes et les chocs géopolitiques. Et il tient justement parce qu’il a été construit non comme une contrainte imposée d’en haut, mais depuis la base par des pays qui savent qu’ils
le font dans leur intérêt.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont tout de même continué d’augmenter lors des cinq dernières années. N’est-ce pas une douche froide ?
De nombreux indicateurs ne vont pas dans le bon sens, mais il y a des signes prometteurs. Les progrès technologiques sont nombreux, les prix des énergies décarbonées baissent régulièrement… Surtout, la neutralité carbone est aujourd’hui au coeur de l’agenda politique. Cette dynamique que l’accord de Paris a mise en place s’est même accélérée depuis septembre. Dans le sillage de la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont annoncé un relèvement de leurs ambitions climatiques. Puis Joe Biden s’est engagé à faire revenir les Etats-Unis dans l’accord de Paris et à fixer à son pays l’objectif de neutralité carbone en 2050. Ces derniers jours, le Royaume-Uni a revu à la hausse son objectif de baisse des émissions à l’horizon 2030. Une spirale vertueuse se met en place entre ces grands pays de la planète, qui sont aussi les principaux émetteurs de gaz à effet de serre. C’est un espoir pour la suite, même s’il reste très mesuré parce que, en effet, cette dynamique de coopération entre les pays ne se traduit pas encore dans la réalité de leurs décisions économiques.
Notamment dans les plans de relance ?
C’est un point crucial au regard des montants financiers en jeu. Si les grands pays industriels sont cohérents avec ce qu’ils ont annoncé, ces plans devront être alignés avec cet objectif de neutralité carbone. Mais il y a des signaux inquiétants. Il y a encore beaucoup trop d’argent dans les fonds promis par les économies du G20 qui vont aux combustibles fossiles. Mais tout n’est pas encore arrêté. Il reste du temps pour pousser les Etats à prendre des décisions différentes.
Pensez-vous qu’on puisse retrouver l’euphorie du 12 décembre 2015 ?
La période est sans doute moins propice aujourd’hui. Nous ne sommes plus dans cette configuration dans laquelle on avait l’impression que la planète entière était en train de construire un programme positif et coopératif pour tous. Aujourd’hui, au regard des tensions économiques et commerciales, et au regard des positions contre le multilatéralisme que prennent certains pays, on est bien plus dans le réalisme politique. Les pays savent qu’ils sont en compétition, mais ils savent aussi qu’ils doivent coopérer sur les questions climatiques, parce que c’est dans leur intérêt.
«La neutralité carbone est au coeur de l’agenda politique. » « Aujourd’hui, on est bien plus dans le réalisme politique. »