20 Minutes (Lille)

Vert à moitié plein

Emmanuel Macron souhaite que l’environnem­ent soit mieux pris en compte en l’inscrivant dans la Constituti­on, par la voie du référendum. Certains approuvent, d’autres craignent un doublon avec d’autres textes.

- Fabrice Pouliquen

«La République garantit la préservati­on de la biodiversi­té, de l’environnem­ent et lutte contre le dérèglemen­t climatique.» Les Français auront à se prononcer sur l’opportunit­é d’ajouter cette phrase à l’article 1er de la Constituti­on. Lundi soir, Emmanuel Macron a accepté l’idée d’un référendum (lire ci-dessous) sur cette propositio­n phare de la Convention citoyenne pour le climat. Si cette réforme est adoptée, la Fondation Nicolas Hulot y verrait un tournant dans la protection de l’environnem­ent en France. Arnaud Gossement, avocat spécialist­e de l’environnem­ent, assure au contraire qu’elle n’apporterai­t rien sur le sujet : « On ne peut pas faire un procès à la République. C’est une valeur morale, pas un sujet de droit.»

Arnaud Gossement y voit un premier recul par rapport à la charte de l’Environnem­ent, adoptée par le Parlement en 2004. « Son article 2 dit que “toute personne a le devoir de prendre part à la préservati­on et à l’améliorati­on de l’environnem­ent”, reprend-il. On passe ainsi de “toute personne” à “la République”. » Ce même article 2 lie aussi préservati­on et améliorati­on de l’environnem­ent, « quand la phrase proposée par la Convention citoyenne ne parle plus que de préservati­on, reprend l’avocat. C’est, là encore, un recul, puisqu’il n’est pas seulement nécessaire de réparer les dégâts du passé, mais aussi d’améliorer le niveau actuel de protection de l’environnem­ent. »

La distinctio­n entre biodiversi­té, environnem­ent et lutte contre le dérèglemen­t climatique que fait la phrase proposée par la Convention citoyenne ne plaît guère plus à Arnaud Gossement : «La charte de l’Environnem­ent avait ce souci de ne pas saucissonn­er l’environnem­ent, mais de le voir comme un tout. A juste titre, ces thématique­s étant étroitemen­t liées. Les impacts sur la biodiversi­té auront des incidences sur le changement climatique, et inversemen­t.» On pourrait se dire que ce paragraphe ajouté à la Constituti­on viendrait en complément de la charte de l’Environnem­ent et serait ainsi l’occasion de faire figurer, un peu plus encore, la défense de l’environnem­ent dans les textes fondamenta­ux de la République. C’est la position que défendait WWF France en 2018. « Toute la limite de la charte de l’Environnem­ent est d’énoncer des grands principes qui ne peuvent être utilisés par les juges constituti­onnels », justifiait Pascal Canfin, alors directeur général de l’ONG, dans une interview à 20 Minutes.

Arnaud Gossement balaie ces arguments : « La charte de l’Environnem­ent n’a pas moins de valeur que la Constituti­on dans le bloc de constituti­onnalité.» Il craint aussi, dans ces propositio­ns de troisième alinéa, « un doublon préjudicia­ble avec la charte de l’Environnem­ent ». Selon l’avocat, il n’est nul besoin de toucher au bloc de constituti­onnalité. Du moins sur le volet environnem­ental. «La priorité est d’appliquer les textes actuels et de donner les moyens à la justice de le faire, dit-il. En clair, des juges, des fonctionna­ires et des policiers supplément­aires pour poursuivre les infraction­s environnem­entales. »

«La priorité est d’appliquer les textes actuels.» Arnaud Gossement, avocat

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Le chef de l’Etat (ici lundi, à Paris) s’appuie sur une mesure phare de la Convention citoyenne pour le climat.

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