20 Minutes (Lille)

«Une fatigue profonde s’est installée»

Vendée Globe Thomas Ruyant et les marins doivent gérer une certaine usure

- William Pereira

Pour reprendre les mots de l’inénarrabl­e Vincent Riou, alors que la tête de flotte du Vendée Globe attaquait le cap Horn : «On commence à voir des gueules de marin cassées en mer. » Et, à une semaine de la fin de la course, ce n’est pas près de s’arranger pour les premiers, dont fait partie Thomas Ruyant, sur LinkedOut. « Je suis crevé, souffle le Nordiste, je me rends compte que j’ai les traits tirés. Il y a une fatigue profonde qui s’est installée. Un jour en mer en vaut deux sur terre. » Une version maritime du «mot compte double» qu’il faut savoir gérer sous peine de dégringole­r rapidement au classement.

Être à l’écoute de son bateau

Garder un sommeil régulier est donc primordial pour permettre à un corps bien cabossé d’effectuer les dernières manoeuvres avant d’arriver à bon port. Heureuseme­nt, pour Thomas Ruyant, l’Atlantique ne réserve pas que son capricieux pot au noir aux marins qui le traversent. En ce moment, la tête de flotte profite d’alizés bien établis et des longs bords qui vont avec. « J’ai plutôt bien récupéré ces derniers jours, explique le skippeur. On a du temps pour s’allonger, pour avoir des longues siestes. C’est maintenant qu’il faut se reposer, parce que sur les toutes dernières manoeuvres techniques sur les deux, trois derniers jours, il faudra être en forme et lucide sur les derniers choix à bord.»

La lucidité est la clé. Car une erreur à ce stade de la course n’est pas qu’affaire de trajectoir­e ratée ou de perte de vitesse. Il en va aussi de l’intégrité du bateau, qui est au mieux aussi crevé que son skippeur à ce stade de la course.

Thomas Ruyant est bien placé pour en parler : il a dû amputer son foil tribord sur la descente de l’Atlantique et se démener pour réparer une voie d’eau dans les mers du Sud. «Ça plus mes problèmes de girouette et de hook, c’est de loin ce qui m’a le plus crevé sur ce tour du monde, raconte-t-il. Je

fais donc en sorte d’être au maximum à l’écoute de mon bateau pour le ramener intact. Tous les jours, par exemple, j’arrête le bateau cinq-dix minutes pour aller voir la structure, avoir un check visuel. Les voiles commencent à être usées, les cordages aussi, il y a des grincement­s et des couinement­s qu’on n’entendait pas au départ. Le bateau est plus fatigué que le marin.» Moins fatigué, mais fatigué quand même, le skippeur. Et à ce stade de la course, les stigmates sont aussi psychologi­ques, si bien que, comme le dit Michel Desjoyeaux, les skippeurs passent « en mode sans filtre ». Avant de relativise­r, comme Thomas Ruyant : «En fin de compte, j’ai réussi à gérer tous mes problèmes, c’est bien le principal. »

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A une semaine de l’arrivée, les skippeurs tentent de rester lucides.

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