Dix ans après, enquête autour des noyés de la Deûle
Faits Divers Dans «Les morts de la Deûle», le journaliste Tomas Statius décrit le rôle de l’ultradroite dans cette affaire de 2011
Après deux ans d’enquête, le journaliste Tomas Statius remet en question, avec un vrai talent d’écriture, l’hypothèse de la série d’accidents dans ce qu’on a appelé « l’affaire des noyés de la Deûle », qui avait angoissé Lille en 2011. A l’époque, cinq corps avaient été repêchés dans la rivière. Son livre Les morts de la Deûle (éditions JC Lattès) est sorti mercredi.
Pourquoi revenir sur ces affaires vieilles de dix ans ?
A l’époque, j’étais étudiant à l’Institut d’études politiques de Lille. Ça m’a profondément marqué, tout comme mes proches et mes amis. On a toujours eu des doutes sur les conclusions des enquêtes. En plus, peu avant, en 2009, un étudiant de notre école, Guillaume Mittre, avait aussi péri noyé dans la Deûle. Ceux qui l’avaient poussé s’étaient dénoncés, mais s’ils ne l’avaient pas fait, aurait-on retrouvé les coupables ?
Quelles sont vos conclusions ?
Je n’ai pas de réponses définitives à apporter. L’objectif n’est pas de savoir s’il s’agit de meurtres ou d’accidents, mais de retrouver l’atmosphère urbaine qui régnait alors à Lille. L’idée de départ du livre, c’est qu’à partir d’un fait divers, on peut raconter un milieu. Et dans le Nord, c’est celui de l’extrême droite et des skinheads qu’il me paraissait intéressant d’aborder.
Pourquoi ?
A l’époque des faits, Lille était en proie à des affrontements nocturnes réguliers entre militants d’extrême droite et d’extrême gauche, mais aussi à des agressions, parfois sur fond d’homophobie. Ce phénomène était peu couvert. Ce contexte politique local manquait dans le traitement médiatique de ces affaires.
« Je tente de retracer une généalogie de l’extrême droite. »
Tomas Statius, journaliste
D’autant qu’en 2017, des militants d’extrême droite ont été mis en examen dans une des affaires…
Il a fallu attendre ce moment-là pour que les médias commencent à en parler. Dans ce livre, je tente d’aller plus loin et de retracer une généalogie de l’extrême droite, en creux de ces affaires, pour les éclairer d’une autre manière. J’ai recueilli les témoignages de personnes qui ont milité dans ces mouvements d’ultradroite. Souvent, il y a une réticence des journalistes à les interroger, car elles viennent d’un milieu sulfureux. Pourtant, dans le cadre de cette enquête, elles racontent beaucoup de choses intéressantes.
Le livre fourmille aussi de détails sur la dernière soirée de chaque victime.
Oui, j’ai essayé de contacter chaque témoin et j’ai ressenti chez elles une vraie volonté de mettre un point final à ces affaires.