Le fléau des garages fantômes
Enquête Une nouvelle forme de délinquance tire profit de la dématérialisation des cartes grises, surtout à Roubaix et à Tourcoing
La dématérialisation des cartes grises a donné des idées aux escrocs. Voilà deux ou trois ans que les policiers du Nord sont confrontés à une nouvelle forme de délinquance basée sur des « garages fantômes » ou, plus récemment, sur des « sociétés de location de voitures fantômes».
La situation est devenue si problématique que les affaires, qui se multiplient, ont été confiées à la sûreté départementale (SD). Explications d’un phénomène qui touche surtout les secteurs frontaliers de Roubaix et de Tourcoing. Tout a commencé par la suppression du rôle des préfectures dans la délivrance des cartes grises. « Les failles du dispositif de déclaration sur Internet ont été rapidement trouvées par certains », raconte un policier à 20 Minutes. Le principe est de fabriquer une vraie carte grise à partir de faux documents.
La première étape consiste à créer un garage ou une société de négociants automobiles au registre du commerce. « Comme il n’y a pas de vérifications, on a vu fleurir, par exemple, des sociétés avec des adresses qui n’existent même pas», poursuit le policier. Avec le récépissé de déclaration, aucun problème pour procéder à l’immatriculation d’un véhicule. Grâce à ce subterfuge, des centaines, voire des milliers, de véhicules peuvent ainsi circuler avec une vraie fausse immatriculation et sans assurance.
« Attendre l’infraction »
Jusqu’à une quarantaine de « garages fantômes » ont pu être répertoriées en même temps à Roubaix. «On n’a pas accès au registre du commerce, explique-t-il. On ne peut pas les découvrir en temps réel, il faut attendre l’infraction ou la suspicion lors d’un contrôle. Les enquêtes et les dossiers s’accumulent.» Désormais, la police confisque le véhicule quand elle s’aperçoit d’un défaut d’assurance lors d’un contrôle. Seule solution face à l’ampleur du phénomène.
Le ministère de la Justice, les douanes et les finances publiques travaillent de concert pour trouver une parade. Un nouveau service physique a, certes, été créé pour émettre les cartes grises à Amiens, mais c’est insuffisant. D’autant qu’il reste le problème des créations d’entreprises bidons. Contacté par 20 Minutes, le tribunal de commerce avoue sa relative impuissance. « La création d’entreprise a été facilitée sur Internet. Nous ne pouvons pas tout vérifier », plaide son président, Eric Feldmann. Néanmoins, la procureure de Lille semble mener un travail de fond, car le tribunal de commerce s’attend prochainement à une vague inédite de demandes de radiation de ces « garages fantômes ». « Le problème, c’est que ce sont sûrement des sociétés déjà dormantes, d’autres ont pris le relais, déplore le policier. La nouvelle mode, c’est la location de véhicules de luxe depuis l’Allemagne ou la Pologne, selon le même principe. Le tout virtuel offre un potentiel d’arnaque illimité. »