L’élection, piège à conspirations
La mouvance complotiste QAnon pourrait influencer le prochain scrutin. Les autorités françaises ne cachent pas leur inquiétude.
« Une forme de suprémacisme se met en place. » En ce 12 mars, Léonard Sojli est révolté par la gestion de la crise du Covid-19. Face à la dizaine de milliers de spectateurs qui le regardent en direct, le leadeur des DéQodeurs, une chaîne QAnon francophone, dénonce les « dérives totalitaires» d’Emmanuel Macron. 20 Minutes publie une enquête en trois volets sur l’influence des adeptes de cette théorie dans l’Hexagone.
A l’image des adeptes des DéQodeurs, de plus en plus de Français propagent une idéologie conspirationniste sur Internet. Née fin 2017 aux Etats-Unis, cette mouvance complotiste épouse les messages cryptiques de « Q », un anonyme qui prétend être un haut gradé de l’administration américaine, sur des forums d’extrême droite.
C’est courant 2020 que QAnon se fait remarquer en France, alors qu’une première série de restrictions contre le Covid-19 est mise en place. Du côté de l’exécutif, on prend la menace très au sérieux. Fin février, un rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), évaluant l’influence de groupes sectaires sur le territoire, conclut que «l’augmentation des membres et diffuseurs de ces fausses informations inquiète au regard de la prochaine élection présidentielle» de 2022.
« Nous ne sommes pas dans une peur irrationnelle, mais nous préférons nous montrer vigilants, explique à 20 Minutes Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté. Nous savons que les groupes complotistes tels que QAnon peuvent être la cible d’ingérences étrangères et qu’ils peuvent appeler à la violence, comme cela a pu être le cas aux Etats-Unis [notamment le 6 janvier lors de l’attaque du Capitole]. » La Miviludes indique avoir été destinataire d’une quinzaine de signalements récents liés à QAnon, qui ont tous permis la constatation d’une forme « d’emprise » et « d’endoctrinement» chez les victimes, sans qu’il y ait pour autant de saisine judiciaire. Certaines figures politiques françaises n’hésitent pas à reprendre le verbatim complotiste de QAnon, tel Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen et chef de file du parti Les Patriotes, François Asselineau (UPR) ou Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France). « Le problème, avec ce genre d’opportunistes politiques, c’est qu’en se présentant à l’élection présidentielle, et en bénéficiant du même temps de parole que leurs adversaires, ils banalisent sensiblement les discours complotistes », fait remarquer Rudy Reichstadt, cofondateur de Conspiracy Watch, l’Observatoire du conspirationnisme.
«Des groupes tels que QAnon peuvent appeler à la violence. »
Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté