«QAnon peut toucher n’importe qui», assure Alex Kaplan, spécialiste de l’extrémisme en ligne
Pour le spécialiste de l’extrémisme en ligne Alex Kaplan, le mouvement a ébranlé la démocratie américaine
Trois ans après les premiers messages de «Q», qui prétend être un cadre de l’administration fédérale, sur le forum 4chan, repaire en ligne de la droite dure américaine, la théorie QAnon a pris des allures de religion numérique. Alex Kaplan (photo), spécialiste de l’extrémisme en ligne pour l’ONG Media Matters for America, explique comment la mouvance complotiste, liée à l’assaut du Capitole le 6 janvier, s’est développée aux Etats-Unis.
Comment les messages de Q ont-ils trouvé écho auprès du grand public ?
Grâce à des sites d’informations «alternatives » d’extrême droite. Ils ont participé à la diffusion du contenu QAnon à partir de 2018. Dès l’été suivant, des adeptes se sont affichés à des meetings organisés par l’ancien président Donald Trump. Dans la foulée, ils ont créé des infrastructures dévolues à QAnon en ligne : hashtags Twitter, groupes Facebook, chaînes YouTube…
L’élection présidentielle américaine a-t-elle joué un rôle d’accélérateur dans la diffusion de QAnon ?
Assurément. QAnon représentait déjà une inquiétude – le FBI l’a classé comme menace terroriste potentielle en 2019 à la suite de nombreux actes de violence commis en son nom – mais l’élection a été l’occasion pour le mouvement de s’imprégner des accusations de fraude électorale. Donald Trump a profité de QAnon en retweetant des messages avec des hashtags complotistes et en déclarant qu’il appréciait leur soutien, ce qu’ils ont pris comme une validation. Vous avez vu à quoi ça a mené : l’assaut du Capitole par des militants pro-Trump, dont de nombreux adeptes de QAnon.
QAnon représente-t-il une menace pour la démocratie américaine ?
Cette théorie du complot est antidémocratique par nature, donc oui. Mais ce qui m’inquiète, c’est qu’elle s’est infiltrée dans la culture politique, comme dans la société. Deux élues au Congrès, Marjorie Taylor Green et Lauren Boebert, ont affiché un soutien à la mouvance QAnon pour se faire élire, bien qu’elles tentent de s’en distancier désormais. D’autres ont réussi à se faire élire au sein des administrations et pourront donc jouer de leur influence, même après l’élection de Joe Biden.
Combien de personnes adhèrent à QAnon aux Etats-Unis ?
Nous n’avons pas d’estimations précises à ce jour. Nous observons toutefois que la mouvance peut toucher n’importe qui. Certains ont fait Harvard, d’autres sont d’anciens sympathisants démocrates. QAnon a la capacité d’inclure n’importe quelle petite actualité dans sa réalité alternative. Ça le rend très accessible. Il présente aussi des tendances sectaires. Ses adeptes se coupent de leur famille, de leurs amis. C’est très inquiétant.