20 Minutes (Lille)

«QAnon peut toucher n’importe qui», assure Alex Kaplan, spécialist­e de l’extrémisme en ligne

Pour le spécialist­e de l’extrémisme en ligne Alex Kaplan, le mouvement a ébranlé la démocratie américaine

- Propos recueillis par Tom Hollmann

Trois ans après les premiers messages de «Q», qui prétend être un cadre de l’administra­tion fédérale, sur le forum 4chan, repaire en ligne de la droite dure américaine, la théorie QAnon a pris des allures de religion numérique. Alex Kaplan (photo), spécialist­e de l’extrémisme en ligne pour l’ONG Media Matters for America, explique comment la mouvance complotist­e, liée à l’assaut du Capitole le 6 janvier, s’est développée aux Etats-Unis.

Comment les messages de Q ont-ils trouvé écho auprès du grand public ?

Grâce à des sites d’informatio­ns «alternativ­es » d’extrême droite. Ils ont participé à la diffusion du contenu QAnon à partir de 2018. Dès l’été suivant, des adeptes se sont affichés à des meetings organisés par l’ancien président Donald Trump. Dans la foulée, ils ont créé des infrastruc­tures dévolues à QAnon en ligne : hashtags Twitter, groupes Facebook, chaînes YouTube…

L’élection présidenti­elle américaine a-t-elle joué un rôle d’accélérate­ur dans la diffusion de QAnon ?

Assurément. QAnon représenta­it déjà une inquiétude – le FBI l’a classé comme menace terroriste potentiell­e en 2019 à la suite de nombreux actes de violence commis en son nom – mais l’élection a été l’occasion pour le mouvement de s’imprégner des accusation­s de fraude électorale. Donald Trump a profité de QAnon en retweetant des messages avec des hashtags complotist­es et en déclarant qu’il appréciait leur soutien, ce qu’ils ont pris comme une validation. Vous avez vu à quoi ça a mené : l’assaut du Capitole par des militants pro-Trump, dont de nombreux adeptes de QAnon.

QAnon représente-t-il une menace pour la démocratie américaine ?

Cette théorie du complot est antidémocr­atique par nature, donc oui. Mais ce qui m’inquiète, c’est qu’elle s’est infiltrée dans la culture politique, comme dans la société. Deux élues au Congrès, Marjorie Taylor Green et Lauren Boebert, ont affiché un soutien à la mouvance QAnon pour se faire élire, bien qu’elles tentent de s’en distancier désormais. D’autres ont réussi à se faire élire au sein des administra­tions et pourront donc jouer de leur influence, même après l’élection de Joe Biden.

Combien de personnes adhèrent à QAnon aux Etats-Unis ?

Nous n’avons pas d’estimation­s précises à ce jour. Nous observons toutefois que la mouvance peut toucher n’importe qui. Certains ont fait Harvard, d’autres sont d’anciens sympathisa­nts démocrates. QAnon a la capacité d’inclure n’importe quelle petite actualité dans sa réalité alternativ­e. Ça le rend très accessible. Il présente aussi des tendances sectaires. Ses adeptes se coupent de leur famille, de leurs amis. C’est très inquiétant.

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 ??  ?? Parmi les militants pro-Trump qui ont envahi le Capitole, le 6 janvier, se trouvaient des sympathisa­nts de QAnon.
Parmi les militants pro-Trump qui ont envahi le Capitole, le 6 janvier, se trouvaient des sympathisa­nts de QAnon.
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