Le football sort-il vainqueur du fiasco de la Superligue ?
Si l’abandon du projet est une formidable nouvelle pour les supporteurs, le foot business a encore de beaux jours devant lui
En moins de temps qu’il n’en faut pour dire « idée à la con », le pharaonique projet de Superligue des magnats du football mondial aura fait pschitt, sous les vivas de supporteurs qui, cette fois-ci, ont dit stop. C’est par un communiqué, publié dans la nuit de mardi à mercredi, que les douze clubs sécessionistes ont acté, au gré des désistements successifs de leurs têtes de ponts britanniques, sinon l’annulation, du moins la suspension de leur bébé. Cette même soirée, à Londres, aux abords du stade Stamford Bridge de Chelsea, des centaines de supporteurs des Blues hurlaient leur joie.
Sur Twitter aussi, le message était : «Hourra! Le football a gagné.» Mais est-ce vraiment le cas ? « C’est une victoire, on ne peut pas dire le contraire, parce que les supporteurs se sont mobilisés, ils sont descendus dans la rue pour lutter contre un changement radical dans le sport », salue Ronan Evain, le directeur général de l’association Football Supporters Europe. Ok, mais maintenant, on fait quoi?
«C’est l’argent qui a triomphé»
Car Aleksander Ceferin, le président de l’UEFA, a beau être monté à la tribune mardi, avec des trémolos dans la voix, pour dénoncer «l’égoïsme», ainsi que l’argent qui «est devenu plus important que la gloire», on a du mal à réprimer un rictus. Car, il y a 72 heures à peine, l’UEFA et la Fifa étaient encore les grands méchants loups aux yeux des fans du continent. Ils ne devraient d’ailleurs pas tarder à le redevenir une fois cette Superligue enterrée. «Tout le monde pense qu’on vient de remporter une victoire sur le football de l’argent, alors qu’en vérité, c’est lui qui a triomphé, lâche Jean-Baptiste Guégan, enseignant spécialiste en géopolitique du sport. On échappe à la peste, mais on n’évitera pas le choléra. L’échec de la Superligue n’empêche pas l’UEFA d’imaginer une Ligue des champions de plus en plus fermée et portée sur l’argent.» Pire, nous dit-il, «la Fifa et l’UEFA vont se servir de l’émotion suscitée par cette tentative de putsch pour faire accepter un projet qui est très loin du football populaire que l’on aime». Tout n’est pas à jeter cependant car, comme le souligne Jean-Baptiste Guégan, un espace politique ou revendicatif est né de cette mobilisation géante. Les «douze salopards» l’ont appris à leurs dépens. « Il y a une ligne rouge qui a été tracée, admet-il. Les clubs savent désormais que s’ils continuent à vouloir traiter les supporteurs uniquement comme des consommateurs, ils seront confrontés à des mobilisations collectives qui peuvent aussi s’avérer très efficaces politiquement. »