La tragédie indienne
Entre la vétusté du système de santé et l’émergence du variant « indien », le pays est confronté à une poussée spectaculaire des cas de Covid-19.
Un triste record. Dimanche, l’Inde a franchi la barre des 350000 cas de contamination en 24 h. Depuis le début de l’épidémie, 17,3 millions de personnes ont été contaminées en Inde, et plus de 195000 en sont mortes. La situation épidémique est devenue hors de contrôle dans tout le pays, placé au 4e rang mondial pour le nombre de décès, a indiqué, lundi, l’université Johns Hopkins. «Le pays n’a pas eu de deuxième vague cet automne, analyse Frédéric Landy, professeur à l’université Paris-Nanterre et spécialiste de l’Inde. En décembre-janvier, les gens ont fait moins attention, la vie avait presque repris normalement. L’Inde en a payé le prix fort.»
Ces dernières semaines, des milliers de personnes ont participé à des rassemblements politiques et à des festivals religieux, souvent sans masque, favorisant la recrudescence des contaminations. «Le pays a été complaisant, reconnaît Rajib Dasgupta, professeur de santé à l’université Jawaharlal-Nehru. Plus personne ne faisait la queue [pour respecter la distanciation physique].» A lui seul, le festival religieux hindou Kumbh Mela a attiré 4,6 millions de personnes en l’espace de deux jours, mi-avril. Si les rassemblements sont pointés du doigt, le variant «indien» pourrait, lui aussi, être responsable de la flambée épidémique. Selon l’Institut de virologie de Pune (Inde), cité par The Indian Express, ce variant a été identifié dans 61% des échantillons prélevés dans l’Etat du Maharashtra, entre janvier et mars.
Le système de santé indien, lui, est au bord de l’explosion. Dans les hôpitaux, des témoins décrivent des couloirs encombrés de brancards. «On manque de places, d’oxygène, de lits, de médicaments», témoigne Frédéric Landy. Côté vaccination, 114 millions d’injections ont été administrées, selon les autorités locales. «Il y a du retard, note Frédéric Landy. Il fallait s’inscrire sur Internet, mais l’accès est limité. Ajoutez à cela les difficultés d’approvisionnement et la peur du vaccin. » De fait, le confinement de la capitale, New Delhi, a été prolongé d’une semaine. Dans l’Etat d’Uttar Pradesh, qui compte 200 millions d’habitants, un confinement a été mis en place le week-end. Critiqué, le gouvernement central a exhorté les industriels à accélérer la production d’oxygène et de médicaments pour tenter d’endiguer la crise sanitaire.
«Les hôpitaux manquent de place, de lits, d’oxygène et de médicaments. »
Rajib Dasgupta, professeur à l’université Jawaharlal-Nehru