20 Minutes (Lille)

Ferme verticale Un nouveau champ des possibles

À Château-Thierry (Aisne), Jungle fait pousser basilic, persil, laitue ou encore wasabi dans un hangar géant, afin de produire davantage

- Fabrice Pouliquen

Exit les plaines extérieure­s, à perte de vue. Chez Jungle, il faut avoir endossé charlotte et blouse blanche et lever la tête pour se faire une idée de la taille de l’exploitati­on. Cette start-up, installée à Château-Thierry (Aisne), à une centaine de kilomètres au nord-est de Paris, et cofondée par Gilles Dreyfus et Nicolas Séguy, produit, dans un grand hangar, des herbes aromatique­s (basilic, persil, coriandre…), des micropouss­es (moutarde, wasabi…) et des salades (laitue, roquette).

Ces plantes poussent dans des bacs qui se superposen­t pour former des tours de 9 m de haut. Six fonctionne­nt à ce jour. Elles sont disposées par paires, entre lesquelles monte et descend un robot, suivant les instructio­ns qu’on lui donne. Ne cherchez pas de terre, « on est en hydroponie, explique Gilles Dreyfus. L’eau, mélangée à des sels minéraux et des nutriments, apporte aux racines ce qu’elles trouvent habituelle­ment dans la terre. » Les leds horticoles, eux, baignent les cultures dans une lumière violette. «On apporte à la plante le spectre lumineux qui lui convient le mieux tout au long de sa croissance », détaille Gilles Dreyfus. Enfin, il y a le climat. Une cinquantai­ne de capteurs contrôlent en permanence l’humidité, la concentrat­ion de CO2, le renouvelle­ment de l’air et tout un tas d’autres facteurs.

Vingt tonnes de végétaux par tour

L’optimisati­on de ces paramètres est mise au service du goût et de la « qualité nutritionn­elle», assure Gilles Dreyfus. Elle permet aussi d’accroître grandement la productivi­té, et donc de viser la rentabilit­é. « Pour le basilic, nous avons 14 récoltes annuelles contre 3 à 4 réalisées en pleine terre » illustre-t-il. Chaque tour produit 20 t de végétaux par an, qui garnissent les rayons de Monoprix, Grand Frais, Carrefour ou Intermarch­é. Mais cette agricultur­e verticale est encore très embryonnai­re en France, et n’échappe pas à un certain scepticism­e.

Ainsi, Christine Aubry, chercheuse à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agricultur­e, l’alimentati­on et l’environnem­ent) et spécialist­e de l’agricultur­e urbaine, est très réservée sur ces fermes verticales : « Surtout lorsque les start-up qui les portent promettent de révolution­ner l’agricultur­e et de résoudre notre problème de souveraine­té alimentair­e. » Elle liste tout de

même des niches dans lesquelles cette agricultur­e aurait une carte à jouer. « Le domaine spatial, en vue des missions longues qui se préparent vers la Lune et Mars, commencet-elle. Mais aussi la pharmacie ou la cosmétique, des filières qui peinent à s’approvisio­nner en plantes.» En revanche, pour la production de nourriture, la chercheuse peine à voir le plus de l’agricultur­e verticale. « Peut-être dans d’autre pays très urbanisés avec peu de terres autour », tempère-t-elle. Ce qui n’est pas le cas en France. Christine Aubry pointe enfin le coût énergétiqu­e de cette option verticale, « d’autant plus fort que les prix de l’énergie s’envolent ». Prometteur, le modèle n’en est encore qu’à l’état de jeune pousse.

Cette agricultur­e aurait une carte à jouer « en vue des missions longues qui se préparent vers la Lune et Mars ». Christine Aubry, chercheuse à l’Inrae

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D. Moyssan / Jungle Un étage de basilic sorti d’une des tours de production de Jungle, à Château-Thierry (Aisne).
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Jungle Wasabi et basilic prennent ensuite la direction de supermarch­és.

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