Tous méchants!
Selon un sondage pour «Psychologies Magazine» révélé par «20 Minutes», seuls 9% des Français pensent que la gentillesse est une qualité en politique.
La gentillesse est, dans le Larousse, le caractère de quelqu’un qui, au choix, « manifeste de la bienveillance/est d’une complaisance attentive et aimable ». Selon un sondage Ifop pour Psychologies Magazine* réalisé à l’occasion de la 8e Journée de la gentillesse, et révélé par 20 Minutes, elle serait une qualité pour 79 % des Français. Lesquels ne l’associent pourtant pas à l’exercice du pouvoir : la compétence et la connaissance des dossiers sont le plus souvent citées (58 %), devant l’exemplarité (53 %), la sincérité (42 %), le courage (22 %) et le charisme (16 %). La gentillesse et la bienveillance ferment la marche avec 9 % de citations. Les responsables politiques dont les noms ont été testés ne sont d’ailleurs pas perçus comme gentils, aucun n’ayant obtenu la moyenne. « C’est le principal enseignement de cette enquête : le monde politique est perçu comme un univers cruel dans lequel la bienveillance peut être vue comme une faiblesse. Et l’adage veut que les faibles ne réussissent pas », explique Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop. Celui qui s’en sort le mieux ? Alain Juppé (9/20), devant François Bayrou (8,1). Et en queue de peloton, Nicolas Sarkozy (6) et Marine Le Pen (6,4). Pour l’historien Jean Garrigues, qui va publier Présidents, au coeur du pouvoir (éd. Le Faune), « on mélange gentillesse et modération. Dans l’autre sens, Nicolas Sarkozy a cette image de “méchant”, car il est dans une stratégie de clivage, mais il ne l’est pas forcément dans l’intimité. » Nicolas Sarkozy a, lui, déjà accédé à la plus haute fonction de l’Etat. Alors, faut-il être méchant pour percer au plus haut niveau dans le monde politique ? Question quasi rhétorique pour le psychologue Alexandre Dorna, auteur des Fondements de la psychologie politique (éd. PUF) : « Impossible de me risquer à une théorie sur la gentillesse en politique car je n’en ai jamais vu ! La politique est une représentation d’un acte de guerre, ce qui entre en confrontation avec l’idée de gentillesse. Le politique peut être poli, mais il n’est pas gentil. » La politique est avant tout affaire d’efficacité, ajoute le psychologue. Machiavel écrivait qu’« il est plus sûr d’être craint » que d’être aimé. « Pour exercer le pouvoir, le politique est en compétition au sein d’un parti, d’une fédération, etc. Il est par nature voué à cette concurrence, et donc au combat. Et on ne peut pas aller au combat si on n’induit pas une certaine crainte. L’homme politique est donc, à un moment donné, obligé d’être méchant », confirme Jean Garrigues. En 2012, Psychologies Magazine avait élu comme personnalité politique la plus gentille François Hollande, qui plafonne aujourd’hui à 4 % d’opinions favorables dans un récent sondage du Cevipof.
« Un monde où la bienveillance est perçue comme de la faiblesse. »
Frédéric Dabi, Ifop
* Sondage réalisé en ligne entre le 10 et le 12 octobre selon la méthode des quotas auprès d’un échantillon de 1000 personnes, représentatif de la population française en âge de voter.