Retours par la case prison
Près de 700 djihadistes français se trouveraient en Irak ou en Syrie, selon Manuel Valls. Que faire d’eux quand ils rentrent ? La France a pour l’instant opté pour la réponse pénale et l’incarcération.
Le retour des djihadistes dans leur pays d’origine doit être la « principale préoccupation » en matière de sécurité pour les années à venir, a affirmé Manuel Valls, le 7 novembre, à l’occasion d’une rencontre avec les préfets. Une inquiétude partagée par le ministre de l’Intérieur belge, Jan Jambon, qui a évoqué dimanche le retour hypothétique de 3000 à 5000 combattants européens engagés dans les rangs de Daesh et poussés à la fuite depuis le début de l’offensive irakienne à Mossoul.
Réponse carcérale
La France, meurtrie en 2015 et 2016 par plusieurs attentats revendiqués par Daesh, a opté pour une « judiciarisation » des retours. « On est passé d’un traitement délictuel à un traitement criminel des ressortissants qui se sont rendus en Irak ou en Syrie. Tous ceux qui reviennent doivent passer entre les mains de la justice », détaille Sébastien Pietrasanta, député PS des Hauts-deSeine et rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. « Aujourd’hui, le parquet antiterroriste requiert le placement en détention provisoire parce qu’il est de plus en plus difficile de différencier les personnalités des uns et des autres, certains ont des parcours très lisses et ont été impliqués dans des attentats terribles », détaille Agnès DufételCordier, avocate toulousaine. « Depuis le cas Adel Kermiche [assassin de Jacques Hamel à Saint-Etiennedu-Rouvray], libéré sous contrôle judiciaire, aucun juge, aucun politique ne veut prendre de risque, ajoute le sociologue Farhad Khosrokhavar, spécialiste des questions de radicalisation en milieu carcéral. Mais sur le long terme, la détention systématique peut avoir un effet dévastateur s’il n’y a pas un accompagnement pluridisciplinaire avec des psychologues, des théologiens, les services de renseignement, et individualisés. » Il préconise d’amener les revenants « à s’interroger sur eux-mêmes, qu’ils puissent porter un regard critique sur leur parcours, car une bonne partie peut revenir sur ce choix de violence absolue ». Désembrigader, déradicaliser, réinsérer celles et ceux qui ont rejoint les rangs de Daesh est une nécessité, mais les mesures mises en place ne sont pas infaillibles. Le 25 octobre, Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice, a annoncé l’arrêt des unités dédiées aux détenus radicalisés dans les prisons au profit de « quartiers d’évaluation de la radicalisation ».
Profils dangereux
Pour le reste, 27 établissements mettront en place une « prise en charge spécifique » pour des détenus radicalisés ne présentant pas une dangerosité maximale. Quant aux profils les plus durs, soit 300 détenus, selon le ministre, ils seront soumis à un régime de détention particulièrement sévère, proche de l’isolement.