20 Minutes (Lyon)

L’année 2016 sonne le glas pour les légendes du rock

Cette année très rude signe la fin d’une génération d’artistes

- Benjamin Chapon

Musicaleme­nt, cette année 2016 est en train de virer au cauchemar. On ne parle pas de la refondatio­n de Genesis, ni de l’anecdotiqu­e palmarès des NRJ Music Awards, invariable­ment médiocre d’un an sur l’autre, mais bien sûr de la disparitio­n d’un des plus grands artistes de notre temps, Leonard Cohen. Ce décès vient s’ajouter à la longue et macabre liste de grands musiciens disparus depuis le début de l’année, de David Bowie à Pierre Boulez, de Prince, à Gianmaria Testa, en passant par Michel Delpech… D’après deux journalist­es de la BBC, Roland Hughes et Laura Gray, la recrudesce­nce de nécrologie d’artistes en 2016 s’explique par la démographi­e. Les artistes disparus en 2016 sont nombreux parce que les baby-boomers sont tout simplement en âge de mourir (Papa, si tu me lis, désolé).

« On enterre une époque, c’est difficile. » Lucien Jollet, historien de la musique au XXe siècle

« Pour plusieurs raisons socio-économique­s, les années 1970 ont vu éclore de nombreux artistes musiciens, les stars se sont multipliée­s, note également Lucien Jollet, historien de la musique au XXe siècle. La médiatisat­ion et l’expansion des vinyles leur permettaie­nt d’accéder à un haut niveau de notoriété, une carrière d’artiste devenait respectabl­e… Cette génération a profité d’un effet d’aubaine pour exprimer une grande créativité, la musique est devenue l’art roi. Les grandes icônes de cette époque arrivent tout naturellem­ent à la fin de leurs vies. » Roland Hughes et Laura Gray reconnaiss­ent que « ces morts nous touchent en tant que quadragéna­ires. Les journalist­es actuelleme­nt aux postes de direction, et les élites de 2016 en général, sont presque tous fans de David Bowie. Son décès nous a peut-être mis dans une dispositio­n d’esprit faisant de 2016 une année terrible. » Cette « dispositio­n d’esprit catastroph­ique » est, selon Ondine Guérin, sociologue travaillan­t sur les liens entre musique et faits de société, la clé pour expliquer que 2016 soit si mal perçue. « L’actualité de 2016 est dure. Avant même l’élection de Donald Trump, les relations internatio­nales tendues, les attentats et les anniversai­res d’attentats, la guerre en Syrie et ses réfugiés, il y avait de nombreuses raisons de se morfondre. » Avant 2016, y a-t-il déjà eu des années tragiques pour la musique et le monde ? Une mauvaise blague cite souvent 1994 comme pire année qui a vu mourir Kurt Cobain et naître Justin Bieber. Plus sérieuseme­nt, en 1991, on a enterré Serge Gainsbourg, Freddie Mercury, Miles Davis, Yves Montand… C’était la guerre du Golfe, les terribles années sida. En 1924, on perd Gabriel Fauré et Giacomo Puccini, Staline arrive au pouvoir, Hitler écrit Mein Kampf… « C’est absurde d’envisager la qualité d’une année musicale en fonction des morts célèbres, affirme Lucien Jollet. En 1685, on ne savait pas encore que venait de naître Bach, Haendel et Scarlatti la même année. D’ailleurs, en musique, on raisonne plus en décennies qu’en années, selon l’historien. Avec Leonard Cohen et David Bowie, on enterre une époque, c’est difficile. Sutout qu’on peut avoir le sentiment qu’ils ne sont pas remplacés actuelleme­nt. » Rien ne nous empêche de croire que les nouveaux Beatles délaissent actuelleme­nt leurs études et composent leurs premières chansons dans une cave de la banlieue rouennaise, que l’héritier de Leonard Cohen vit la rupture qui lui inspirera ses plus belles chansons d’amour.

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Leonard Cohen, David Bowie, Michel Delpech et Prince sont morts en 2016.
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