L’année 2016 sonne le glas pour les légendes du rock
Cette année très rude signe la fin d’une génération d’artistes
Musicalement, cette année 2016 est en train de virer au cauchemar. On ne parle pas de la refondation de Genesis, ni de l’anecdotique palmarès des NRJ Music Awards, invariablement médiocre d’un an sur l’autre, mais bien sûr de la disparition d’un des plus grands artistes de notre temps, Leonard Cohen. Ce décès vient s’ajouter à la longue et macabre liste de grands musiciens disparus depuis le début de l’année, de David Bowie à Pierre Boulez, de Prince, à Gianmaria Testa, en passant par Michel Delpech… D’après deux journalistes de la BBC, Roland Hughes et Laura Gray, la recrudescence de nécrologie d’artistes en 2016 s’explique par la démographie. Les artistes disparus en 2016 sont nombreux parce que les baby-boomers sont tout simplement en âge de mourir (Papa, si tu me lis, désolé).
« On enterre une époque, c’est difficile. » Lucien Jollet, historien de la musique au XXe siècle
« Pour plusieurs raisons socio-économiques, les années 1970 ont vu éclore de nombreux artistes musiciens, les stars se sont multipliées, note également Lucien Jollet, historien de la musique au XXe siècle. La médiatisation et l’expansion des vinyles leur permettaient d’accéder à un haut niveau de notoriété, une carrière d’artiste devenait respectable… Cette génération a profité d’un effet d’aubaine pour exprimer une grande créativité, la musique est devenue l’art roi. Les grandes icônes de cette époque arrivent tout naturellement à la fin de leurs vies. » Roland Hughes et Laura Gray reconnaissent que « ces morts nous touchent en tant que quadragénaires. Les journalistes actuellement aux postes de direction, et les élites de 2016 en général, sont presque tous fans de David Bowie. Son décès nous a peut-être mis dans une disposition d’esprit faisant de 2016 une année terrible. » Cette « disposition d’esprit catastrophique » est, selon Ondine Guérin, sociologue travaillant sur les liens entre musique et faits de société, la clé pour expliquer que 2016 soit si mal perçue. « L’actualité de 2016 est dure. Avant même l’élection de Donald Trump, les relations internationales tendues, les attentats et les anniversaires d’attentats, la guerre en Syrie et ses réfugiés, il y avait de nombreuses raisons de se morfondre. » Avant 2016, y a-t-il déjà eu des années tragiques pour la musique et le monde ? Une mauvaise blague cite souvent 1994 comme pire année qui a vu mourir Kurt Cobain et naître Justin Bieber. Plus sérieusement, en 1991, on a enterré Serge Gainsbourg, Freddie Mercury, Miles Davis, Yves Montand… C’était la guerre du Golfe, les terribles années sida. En 1924, on perd Gabriel Fauré et Giacomo Puccini, Staline arrive au pouvoir, Hitler écrit Mein Kampf… « C’est absurde d’envisager la qualité d’une année musicale en fonction des morts célèbres, affirme Lucien Jollet. En 1685, on ne savait pas encore que venait de naître Bach, Haendel et Scarlatti la même année. D’ailleurs, en musique, on raisonne plus en décennies qu’en années, selon l’historien. Avec Leonard Cohen et David Bowie, on enterre une époque, c’est difficile. Sutout qu’on peut avoir le sentiment qu’ils ne sont pas remplacés actuellement. » Rien ne nous empêche de croire que les nouveaux Beatles délaissent actuellement leurs études et composent leurs premières chansons dans une cave de la banlieue rouennaise, que l’héritier de Leonard Cohen vit la rupture qui lui inspirera ses plus belles chansons d’amour.