Les casseroles les font bouillir
«Je veux une classe politique exemplaire. » A l’image de Carlos, 69 ans, ils ont été des centaines, dimanche après-midi, place de la République à Paris, à dénoncer la corruption des élus. Une foule hétéroclite armée de casseroles et de cuillères a entamé une « casserolade » accompagnée du slogan « Rendez-nous notre pognon! » Dans son viseur, des candidats à la présidentielle empêtrés dans des affaires d’emplois fictifs présumés, comme François Fillon et Marine Le Pen, mais aussi des ex-ministres condamnés pour fraude fiscale et détournement de fonds publics, comme Jérôme Cahuzac et Claude Guéant. Aux origines de ce ras-le-bol, qui s’est manifesté aux quatre coins de la France dimanche (des rassemblements étaient organisés à Lille, Lyon, Toulouse, Angers...) : l’accumulation des « affaires » certes, mais, au-delà, la rupture qui s’est opérée entre les Français et la classe politique. « Au nom de quoi Fillon va expliquer aux jeunes comment bien se conduire? C’est d’un cynisme absolu! s’emporte Carlos. Je ne veux pas que mes petits-enfants pensent qu’on a laissé faire ça. »
L’esprit de Nuit debout
A trois mois de l’élection présidentielle, certains espèrent provoquer une prise de conscience chez les politiques, comme cela a été récemment le cas en Roumanie [l’adoption, fin janvier, d’un décret dépénalisant certains faits de corruption a provoqué dans le pays une crise sans précédent depuis la chute du communisme, ce qui a poussé le gouvernement à faire marche arrière]. « C’est le bon moment », assure Théo, 29 ans. « Même si la corruption a toujours existé, le décalage entre les politiques et les gens est devenu trop important, souligne Hugo, 24 ans. Un homme a pris deux mois ferme parce qu’il avait volé un paquet de riz. [Claude] Guéant a pris un an ferme [dans l’affaire des primes en liquide] et n’est jamais allé en prison. » Vincent Galtier, photographe sans étiquette politique, qui a lancé la manifestation sur les réseaux sociaux, a proposé de fixer des objectifs pour faire naître un collectif à l’issue de l’événement. Des manifestants lui ont succédé pour exprimer leur indignation en trois minutes, sur le même fonctionnement que Nuit debout – des membres de ces rassemblements citoyens organisés au printemps dernier ont d’ailleurs accompagné Vincent Galtier dans l’organisation de cette journée. Un véritable mouvement anticorruption pourrait être en train de voir le jour : de nouveaux rassemblements sont d’ores et déjà prévus dimanche, dans plusieurs villes de France.