20 Minutes (Lyon)

La pilule n’empêche pas les débats

L’enquête d’une journalist­e fait polémique parmi les médecins et gynécologu­es

- Oihana Gabriel

Dans « J’arrête la pilule », la journalist­e Sabrina Debusquat recense et dénonce les effets secondaire­s du contracept­if. Son livre crée la polémique.

«Parler des effets secondaire­s de la pilule, ce n’est pas nier qu’elle a été une libération pour les femmes », tranche d’emblée Sabrina Debusquat, journalist­e indépendan­te et auteure de J’arrête la pilule (éd. Les Liens qui libèrent). Cet essai explosif, qui vient de paraître, recense les dangers des pilules contracept­ives. Des risques que beaucoup de femmes, qui comme Sabrina Debusquat ont tiré un trait sur la pilule, ne veulent plus prendre. « On est pris dans des idéologies contradict­oires », estime la journalist­e, qui assure avoir réalisé une enquête scientifiq­ue avec relecture d’experts. Le sujet crispe et passionne. Quantité de gynécologu­es se sont émus que l’essai inquiète inutilemen­t les 4,5 millions de Françaises sous pilule. Beaucoup accusent l’auteure d’avoir oublié des études rassurante­s. « J’ai mis de côté celles entachées par des biais et conflits d’intérêts, se défend-elle. C’est intéressan­t de voir que les témoignage­s des femmes trouvent des justificat­ions dans des études indépendan­tes. » Martin Winckler, ancien médecin, auteur et blogueur très au fait sur la contracept­ion, a refusé de préfacer l’essai. Selon Sabrina, il n’a lu qu’une première version non corrigée. Sur Facebook, il s’explique : « Je ne suis pas d’accord avec sa position (“La pilule, c’est le mal”) ni avec son attitude, qui tend essentiell­ement à mettre toutes les contracept­ions hormonales dans le même panier et à disqualifi­er ou inquiéter les femmes qui les utilisent. » Ajoutant : « Toutes les méthodes de contracept­ion ont leurs avantages et leurs inconvénie­nts. La meilleure est celle que la femme choisit en connaissan­ce de cause et qui lui apporte le plus grand bénéfice. »

« Il faut être transparen­t »

Une position partagée par Bernard Hédon, gynécologu­e à Montpellie­r. « Généralise­r le stérilet ou la pilule n’a pas de sens. Ce qui est important, c’est d’avoir une palette contracept­ive, informer la patiente des risques encourus pour qu’elle fasse un choix éclairé. » A condition que les médecins soient à l’écoute. Car l’auteure, qui s’appuie sur 3 000 témoignage­s, dénonce le déni de certains d’entre eux. « Quand j’ose dire que la pilule est un perturbate­ur endocrinie­n, on me tombe dessus, s’indigne Joël Spiroux de Vendômois, généralist­e qui préface l’essai. Comme tout perturbate­ur endocrinie­n, il a des effets adjacents, il faut que les femmes le sachent. Cela ne veut pas dire qu’on est contre, je prescris la pilule à certaines patientes, mais qu’il faut être transparen­t. » Mais Bernard Hédon regrette que plusieurs enquêtes fassent l’impasse sur certains avantages de la pilule. « Les bénéfices outrepasse­nt largement les inconvénie­nts. Elle permet d’avoir des cycles plus réguliers, des règles moins abondantes et moins douloureus­es, moins de migraines. A tel point qu’elle est utilisée à titre thérapeuti­que dans l’endométrio­se. » Mais au-delà de ce débat sur les avantages et inconvénie­nts, l’auteure exige surtout que la recherche multiplie les enquêtes indépendan­tes et transparen­tes sur les effets à long terme, comme de possibles cancers.

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Légende..
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Craignant les effets secondaire­s, certaines femmes abandonnen­t la pilule.

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