Des enseignants pas à court d’idées
De nombreux profs n’attendent pas leur ministère pour réformer l’école
Le mammouth n’est pas totalement pris dans la glace. Chaque année, certains de ses membres, des enseignants, essaient de bouger en innovant dans leur manière de concevoir les cours. Ce mouvement de fond, le journaliste Emmanuel Vaillant le décrit dans son ouvrage, Bonnes nouvelles de l’école (éd. JC Lattès), qui vient de paraître. « J’ai pu observer des dispositifs de classes inversées, où les élèves sont invités à se familiariser au cours chez eux avec des vidéos, du contenu traditionnel ou interactif avant d’approfondir ces notions en classe via des exercices, cite l’auteur. Autre exemple intéressant : les classes coopératives dans lesquelles les élèves sont incités à travailler ensemble et à s’entraider. » François Taddei, chercheur et auteur d’un rapport sur l’innovation pédagogique remis à Najat Vallaud-Belkacem, l’ancienne ministre, en mars, évoque, lui, les Twictées, lancées par deux enseignants. « Une classe réalise une dictée en ligne en 140 caractères, le format de Twitter, et corrige celle d’une autre classe, sur le réseau social. »
Des élèves plus motivés
Les retombées de ces innovations, rarement évaluées par des chercheurs, semblent très positives, comme a pu l’observer Emmanuel Vaillant : « Ces pratiques pédagogiques permettent à certains élèves d’améliorer leurs résultats, à d’autres seulement de mieux aimer l’école, mais c’est déjà beaucoup. » « Les élèves s’impliquent davantage. Et on sait que cela a un impact sur ceux au bord du décrochage », ajoute Yves Reuter, professeur en sciences de l’éducation à l’université Lille-III. Ces innovations, l’Education nationale dit les regarder avec bienveillance. Mais selon Yves Reuter, « elle a une attitude contradictoire vis-à-vis de ces profs : d’un côté elle déclare encourager l’innovation et de l’autre, les profs qui lancent des projets originaux sont rarement aidés et leurs innovations ne sont pas prises en compte lorsqu’ils sont évalués ». Peut-être la situation changera-t-elle avec le nouveau ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, qui veut « promouvoir la culture de l’innovation et de l’expérimentation ». « Il faudrait que la formation continue des enseignants soit beaucoup plus développée pour qu’ils puissent bénéficier des apports de la recherche », souffle Yves Reuter. « Et que les inspecteurs deviennent de vrais mentors pour les enseignants qui veulent faire bouger les lignes », ajoute François Taddei.