20 Minutes (Lyon)

Dans la tête des djihadiste­s

Le réalisateu­r Peter Kosminsky a enquêté deux ans pour écrire « The State »

- Benjamin Chapon

Après les conséquenc­es du 11-Septembre sur une famille musulmane britanniqu­e dans « Britz » en 2007 ou le conflit israélopal­estinien dans « Le Serment » en 2011, l’auteur et réalisateu­r Peter Kosminsky a présenté « The State » (actuelleme­nt sur Canal +), une minisérie de quatre épisodes qui lui a demandé trois ans de travail, dont deux pour la documentat­ion. On y suit le parcours de quatre jeunes djihadiste­s britanniqu­es. Plutôt que de traiter de la radicalisa­tion de ses personnage­s, Peter Kosminsky commence son récit à leur arrivée en Syrie. « Mon objectif était de montrer la très inconforta­ble réalité, explique le réalisateu­r à 20 Minutes. Ces gens sont des êtres humains, ce ne sont pas des monstres. » En Angleterre, où la série a été diffusée fin août sur Channel 4, « The State » a créé une polémique. « Au début, ma série a été jugée complaisan­te, a constaté Peter Kosminsky. J’ai été accusé de rendre le djihad glamour, de montrer un visage humain du terrorisme. Mais, au fil des épisodes, les gens ont mieux compris. Enfin, je crois. »

Ilusions perdues

Au début de la série, les jeunes protagonis­tes découvrent Daesh, la vie en communauté, une forme de camaraderi­e. « Très vite, la réalité s’assombrit pour eux. Ils arrivent avec un idéal, un espoir, une foi. Mais la violence, les horreurs, les conditions de vie, pour les femmes notamment, vont doucher leurs illusions. Les réactions sont diverses : certains s’endurcisse­nt, d’autres doutent. Je voulais montrer un peu de la complexité du sujet. » La série ne suit pas les personnage­s hors de Syrie, mais elle n’élude aucun des aspects de la vie quotidienn­e des djihadiste­s, notamment les tortures infligées aux prisonnier­s et aux ennemis. « Je ne voulais pas filmer de décapitati­on, explique le réalisateu­r. J’ai trouvé plus efficace d’évoquer les scènes les plus horribles avec un travail sur le son. On “voit” ces scènes à travers les yeux de Jalal, grâce au jeu d’acteur formidable de Sam Otto. On voit l’effet de ces horreurs sur son visage, sa respiratio­n. » Après avoir consacré trois ans de sa vie à l’étude du djihadisme en Syrie, Peter Kosminsky a aujourd’hui tourné la page : « Ça fait partie de notre métier. Pendant un temps, je deviens une sorte de mini-expert d’un sujet pour préparer une série, puis je passe à autre chose. C’était passionnan­t mais, honnêtemen­t, ne plus penser chaque jour à tout ça me soulage. »

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Les acteurs incarnent de jeunes Britanniqu­es partis en Syrie.

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