20 Minutes (Lyon)

La parenthèse des Syriens

Dans un pays morcelé, la sélection du Proche-Orient se bat pour une place au Mondial

- William Pereira

Téhéran, le 5 septembre. Dans les arrêts de jeu du match Iran-Syrie, l’attaquant visiteur Omar alSomah arrache le nul (2-2). Avec ce résultat, les Aigles de Qassioun se sont assurés de terminer 3es de leur groupe de qualificat­ion pour le Mondial 2018, synonyme de tour préliminai­re contre l’Australie, avant les barrages. Le tout sans avoir pu jouer un seul match à domicile pour des raisons de sécurité. En temps de guerre civile, le football est un objet de clivage comme un autre en Syrie. Soit on soutient l’équipe, soit on la dénonce. Et, paradoxale­ment, il n’y a pas que des partisans de Bachar alAssad dans le camp des supporters de l’équipe nationale. Ghaith al-Sayyed, qui habite dans une province dominée par des djihadiste­s, est de ceux-là. « Si l’équipe se qualifie pour le Mondial, on dira que c’est la Syrie qui s’est qualifiée, pas le régime de Bachar al-Assad. » Une erreur de jugement selon Wissam, prof d’anglais à l’université d’Alep : « L’idée du régime, c’est de dire qu’à travers cette équipe, la vie continue. Mais non, des enfants, des parents sont retrouvés dans les ruines. Des joueurs ont dû quitter le pays pour défendre des idées politiques différente­s. »

Les footballeu­rs menacés

Omar al-Somah en sait quelque chose. En 2012, le buteur avait été banni, après avoir affiché son soutien aux rebelles. « Il est retourné en équipe nationale, après une sorte de reddition », commente Wissam. Plus surprenant encore est le retour de la méga-star, Firas alKhatib. L’enfant de Homs avait décidé, en 2012, de ne plus porter le maillot de son pays tant que « des civils seraient bombardés ». Interrogé sur les raisons de son come-back par ESPN, Al-Khatib n’a pas osé répondre : « J’ai peur. En Syrie, si vous parlez, quelqu’un vous tuera pour ce que vous dites et ce que vous pensez. » Spécialist­e du foot au Moyen-Orient, le journalist­e James Montague a sa théorie quant à ces retours : « L’un des moyens de menacer les déserteurs est de s’en prendre à leurs proches. » Les footballeu­rs sont aussi directemen­t inquiétés. L’Observatoi­re syrien des droits de l’homme estime à 38 le nombre de joueurs tués, depuis 2011, par le pouvoir. Malgré tous les moyens mis en oeuvre pour maintenir la sélection sur pied, le football a vu ses forces décimées par la guerre et la vague de migration qu’elle a engendrée. Structurel­lement, les dégâts sont considérab­les. « A la fin des années 1990, une grande réforme du football a été entamée en Syrie, explique Montague. Maintenant, tout est en ruines. Il va falloir reconstrui­re. »

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L’équipe de Syrie après son match nul miraculeux (2-2) en Iran, en septembre.

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