20 Minutes (Lyon)

Vidéo éphémère, preuve durable

Comme tout fichier numérique, un snap peut être exploité en justice

- Hélène Sergent

Un « snap » peut-il servir de preuve dans le cadre d’une enquête de police et devant une juridictio­n? La question est d’actualité au regard de l’affaire Jeremstar. Très populaire sur les réseaux sociaux, et particuliè­rement auprès des adolescent­s, le jeune homme, de son vrai nom Jeremy Gisclon, est un infatigabl­e utilisateu­r de Snapchat, cette applicatio­n de diffusion de vidéos et photos éphémères. Du matin au soir, le chroniqueu­r documente sa vie au rythme de dizaines de vidéos postées sur son compte. En début de semaine dernière, un jeune membre de Snapchat a, dans une avalanche de tweets, publié une vidéo à caractère sexuel où apparaît Jeremstar, et des extraits de conversati­ons privées. Y sont relayées des accusation­s de détourneme­nt de mineur contre l’un des proches du chroniqueu­r, Pascal Cardonna, cadre nîmois de France Bleu. Depuis, une plainte pour viol sur mineurs a été déposée contre ce dernier. Pour Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, c’est une évidence : « En droit pénal, la preuve est libre, c’est-à-dire recevable! Une capture d’écran, une vidéo, une photo, n’importe quel fichier numérique peut servir de preuve. Régulièrem­ent d’ailleurs, ces éléments sont visionnés au tribunal lors des procès ou figurent au dossier d’instructio­n. » Même si Snapchat a la particular­ité de diffuser des contenus pendant quelques secondes seulement avant qu’ils ne « disparaiss­ent », l’avocat spécialist­e du numérique ajoute : « Il existe de nombreuses fonctionna­lités permettant d’enregistre­r ces vidéos. Sur Internet, il ne faut jamais oublier que ce qui est éphémère ne l’est jamais vraiment. »

Risque de trucage

Mais il ne suffit pas d’apporter aux enquêteurs une simple capture de vidéo, nuance Magaly Lhotel, avocate et spécialist­e en droit de la vie privée. « Une vidéo de vidéo peut être contestée. Pour qu’une preuve soit solide, il faut qu’elle soit constatée par un officier de police judiciaire ou un huissier. Il faut pouvoir prouver qu’elle n’a pas été modifiée ou truquée. » Autre possibilit­é pour les enquêteurs, formuler une demande de communicat­ion de contenu au diffuseur. « Mais, de façon quasi systématiq­ue, ces entreprise­s américaine­s refusent, pour des questions de respect de la confidenti­alité des utilisateu­rs. »

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