Vidéo éphémère, preuve durable
Comme tout fichier numérique, un snap peut être exploité en justice
Un « snap » peut-il servir de preuve dans le cadre d’une enquête de police et devant une juridiction? La question est d’actualité au regard de l’affaire Jeremstar. Très populaire sur les réseaux sociaux, et particulièrement auprès des adolescents, le jeune homme, de son vrai nom Jeremy Gisclon, est un infatigable utilisateur de Snapchat, cette application de diffusion de vidéos et photos éphémères. Du matin au soir, le chroniqueur documente sa vie au rythme de dizaines de vidéos postées sur son compte. En début de semaine dernière, un jeune membre de Snapchat a, dans une avalanche de tweets, publié une vidéo à caractère sexuel où apparaît Jeremstar, et des extraits de conversations privées. Y sont relayées des accusations de détournement de mineur contre l’un des proches du chroniqueur, Pascal Cardonna, cadre nîmois de France Bleu. Depuis, une plainte pour viol sur mineurs a été déposée contre ce dernier. Pour Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, c’est une évidence : « En droit pénal, la preuve est libre, c’est-à-dire recevable! Une capture d’écran, une vidéo, une photo, n’importe quel fichier numérique peut servir de preuve. Régulièrement d’ailleurs, ces éléments sont visionnés au tribunal lors des procès ou figurent au dossier d’instruction. » Même si Snapchat a la particularité de diffuser des contenus pendant quelques secondes seulement avant qu’ils ne « disparaissent », l’avocat spécialiste du numérique ajoute : « Il existe de nombreuses fonctionnalités permettant d’enregistrer ces vidéos. Sur Internet, il ne faut jamais oublier que ce qui est éphémère ne l’est jamais vraiment. »
Risque de trucage
Mais il ne suffit pas d’apporter aux enquêteurs une simple capture de vidéo, nuance Magaly Lhotel, avocate et spécialiste en droit de la vie privée. « Une vidéo de vidéo peut être contestée. Pour qu’une preuve soit solide, il faut qu’elle soit constatée par un officier de police judiciaire ou un huissier. Il faut pouvoir prouver qu’elle n’a pas été modifiée ou truquée. » Autre possibilité pour les enquêteurs, formuler une demande de communication de contenu au diffuseur. « Mais, de façon quasi systématique, ces entreprises américaines refusent, pour des questions de respect de la confidentialité des utilisateurs. »
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