20 Minutes (Lyon)

Jawad Bendaoud, le « logeur de Daesh », relaxé

Jugé pour avoir hébergé des terroriste­s du 13-Novembre, Jawad Bendaoud a été relaxé

- Caroline Politi

«J e parie à 80 % que je vais être condamné, il y a l’opinion publique et les familles des victimes », avait confié Jawad Bendaoud la semaine dernière, lors de son ultime déclaratio­n, avant que le tribunal ne se retire pour délibérer. Une nouvelle fois, celui qui fut surnommé « le logeur de Daesh » a manqué de flair, car, mercredi, au terme d’un procès hors normes, il a été relaxé (lire l’encadré). « Il n’a pas été prouvé que Jawad Bendaoud a fourni un hébergemen­t à deux individus qu’il savait être des terroriste­s du 13-Novembre », a justifié la présidente de la 16e chambre du tribunal correction­nel de Paris, Isabelle Prévost-Desprez. Non sans fustiger que « c’est l’appât du gain qui a fait taire [ses] doutes sur les deux personnes qu’[il allait] héberger ». Qu’importe. L’intéressé, en veste de jogging rouge floquée du logo du PSG, ne peut contenir sa satisfacti­on. Un instant stupéfait, il finit par lever le poing en signe de victoire lorsqu’il comprend qu’il vient d’être innocenté, puis embrasse sur le front l’un de ses conseils, Xavier Nogueras. « On salue l’indépendan­ce et le courage du tribunal, ce n’est pas une décision qui allait de soi », s’est félicitée pour sa part son avocate historique, Marie-Pompei Cullin, très émue par la décision. Selon une source judiciaire, son client devait sortir de détention dans la soirée. Ce qui n’a pas été le cas pour Mohamed Soumah. Ce dernier a écopé de la plus lourde peine, cinq ans de prison avec maintien en détention. Si, aux yeux de la magistrate, il n’était qu’un « élément rapporté » du dossier, il ne pouvait ignorer que « les deux terroriste­s étaient des fugitifs liés aux attentats du 13-Novembre ». La présidente a rappelé qu’au cours des deux jours qui ont précédé l’assaut il a échangé à de multiples reprises avec Hasna Aït Boulahcen, qui a joué les intermédia­ires avec les terroriste­s. « Votre action se fait en connaissan­ce de cause et de votre volonté de faire échapper des terroriste­s », a-t-elle insisté. Le frère d’Hasna Aït Boulahcen, Youssef, le seul à comparaîtr­e libre, a, lui, écopé de quatre ans de prison dont un avec sursis, sans toutefois que cette peine soit assortie d’un mandat de dépôt. A de multiples reprises, Isabelle PrévostDes­prez a stigmatisé « sa mauvaise foi », notamment à propos de sa radicalisa­tion. Détaillant les échanges téléphoniq­ues qu’il a eus avec sa soeur, la magistrate a estimé qu’il ne pouvait ignorer que son cousin, Abdelhamid Abaaoud, était en contact avec sa soeur. Le prévenu l’a écoutée, impassible, presque insaisissa­ble, comme il le fut tout au long du procès. La décision du tribunal de relaxer le prévenu le plus médiatique a été vécue par certains proches de victimes comme une trahison. « C’est un scandale, j’avais confiance en la justice, et tout ceci n’a été qu’une parodie », s’est écrié le père d’une victime du Bataclan. Pour d’autres, en revanche, ce jugement était logique : « Le tribunal a été juste », a estimé Bilal, cloué sur un fauteuil après avoir été blessé au Stade de France. Quelques minutes auparavant, il avait lancé à Jawad Bendaoud : « Tiens-toi tranquille maintenant. »

« Ce n’est pas une décision qui allait de soi. » Marie-Pompéi Cullin, avocate de Jawad Bendaoud

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Jawad Bendaoud (à dr.) a été relaxé, ses coprévenus ont, eux, été condamnés.

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