20 Minutes (Lyon)

Impossible d’y échapper

Invisibles à l’oeil nu et méconnues, les particules ultrafines sont très nocives pour la santé. Le radiologue Thomas Bourdrel a notamment observé une hausse de certains cancers liés à cette pollution.

- A Strasbourg, Bruno Poussard

La décision prise la semaine passée par la justice allemande d’ouvrir la voie à l’interdicti­on de circulatio­n en ville des vieux moteurs diesel, a ravi Karima Delli. « C’est une bonne nouvelle pour notre santé », a tweeté la députée européenne EELV, qui, depuis 2015, milite pour la prise en compte des risques que font encourir leurs émanations. « Le “diesel propre” n’existe pas! Même si on a essayé de nous faire croire qu’il était “l’ami du climat”, car il émettrait moins de CO2… », insiste-t-elle. Un avis partagé par Thomas Bourdrel, radiologue et fondateur du collectif Strasbourg respire, dont le but est d’appeler les pouvoirs publics à agir contre la pollution atmosphéri­que.

Plus petites, mal mesurées

Dans un article à paraître en mars dans la revue Réalités cardiologi­ques, le médecin établit que les nanopartic­ules (ou particules ultrafines), principale­ment émises par le trafic routier et les moteurs diesel (mais aussi par l’industrie, le chauffage au bois, ou encore les feux de forêt), sont non seulement les plus nocives pour la santé, mais sont aussi largement sous-estimées dans les mesures actuelles de la qualité de l’air. En cause, selon lui, les hydrocarbu­res aromatique­s polycycliq­ues (HAP) et les métaux lourds présents à la surface des nanopartic­ules. Semi-volatiles, ces HAP peuvent vite passer de l’état gazeux à l’état particulai­re, notamment par temps froid. « Quand les gens prennent la voiture et que leurs moteurs n’ont pas le temps de chauffer, c’est là que les émissions sont les plus grandes. » Or, à l’état particulai­re, ces HAP entrent facilement dans le corps et réussissen­t à passer dans le sang pour atteindre les organes. Au fil des ans, Bruno Bourdrel a constaté dans son service une augmentati­on des infarctus et AVC, ainsi que des atteintes du foie, du cerveau, des poumons, de la vessie, ou sur le développem­ent des foetus. Les directives européenne­s n’ont pas totalement oublié les HAP de la liste des polluants à surveiller. Dans certaines régions de France (lire ci-dessous), un cancérigèn­e, le benzo[a]pyrène, est utilisé comme un traceur. Mais seulement via les plus grosses particules, les PM10. Sauf que le benzo[a]pyrène, lui, est surtout présent à la surface des nanopartic­ules. D’où sa sous-estimation présumée dans les relevés de concentrat­ion dans l’air. « Les nanopartic­ules ont une masse négligeabl­e, donc les mesures en masse ne sont pas représenta­tives, explique Thomas Bourdrel. Il faudrait les dénombrer pour connaître précisémen­t cette pollution. » Karima Delli rappelle qu’aucune norme européenne n’existe jusqu’à présent pour la concentrat­ion des nanopartic­ules dans l’air ambiant. Pour le radiologue, il y a urgence : selon lui, les conséquenc­es sanitaires de cette pollution ultrafine « pourraient être pires que celles de l’amiante ».

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Les nanopartic­ules les plus nocives sont émises par les moteurs diesel.

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