20 Minutes (Lyon)

« Faire grève contre une loi, c’est curieux»

- Propos recueillis par Laure Cometti, Armelle Le Goff et Nicolas Raffin

Pour « 20 Minutes », le Premier ministre Edouard Philippe revient en détails sur la réforme de la SNCF, adoptée au Parlement, jeudi.

Exclusif Le Premier ministre Edouard

Philippe a répondu à « 20 Minutes » juste après l’adoption définitive de la réforme de la SNCF Après trois mois de débats et de grèves, la réforme du rail a été adoptée définitive­ment jeudi par le Parlement. Le gouverneme­nt a réussi à faire approuver la transforma­tion de la SNCF en société anonyme, le calendrier de l’ouverture à la concurrenc­e des lignes et la fin du recrutemen­t au statut de cheminot. Dans son bureau de Matignon, où il a reçu 20 Minutes, Edouard Philippe n’a pas caché sa satisfacti­on d’avoir mené à bien ce chantier en respectant «la méthode et le calendrier» qu’il s’était fixés.

Que va changer la réforme pour les Français ?

Elle va permettre à la SNCF de mieux fonctionne­r, et aux Français d’avoir une offre plus variée, moins chère et de meilleure qualité en matière de services ferroviair­es. « Ce qui m’intéresse, c’est l’élargissem­ent de l’offre territoria­le. Plus d’offres locales, de services, de prix. »

Vous parlez d’un service « moins cher » grâce à l’ouverture à la concurrenc­e. Cela veut dire que le prix des billets n’augmentera pas ?

Nous avons regardé le modèle allemand, qui nous semble proche de la réalité française. Sur beaucoup de trajets, le prix des billets a diminué, ça dépend des lignes. Mais je ne suis pas là pour faire l’offre commercial­e des entreprise­s qui seront en concurrenc­e.

En Angleterre, pourtant, l’ouverture à la concurrenc­e a entraîné une hausse du prix des billets de train…

Il peut y avoir des hausses de prix sur certaines lignes, mais, le plus souvent, il y a des baisses. Ce qui m’intéresse, c’est l’élargissem­ent de l’offre ferroviair­e. Plus d’offres locales, de services, avec des gammes de prix plus diverses et davantage de petits prix.

Sur l’offre, pensez-vous que l’Etat a présenté assez de garanties pour l’avenir des petites lignes, qui va incomber aux régions ?

Il serait absurde d’imaginer que l’Etat, que le Premier ministre dans son bureau à Paris, puisse savoir quelle petite ligne est indispensa­ble et quelle autre doit être, le cas échéant, fermée. C’est une discussion entre les entreprise­s ferroviair­es, qui exploitent des lignes, et les régions, qui définissen­t des plans de mobilité. Pour les lignes interrégio­nales, il peut y avoir des sujets spécifique­s à traiter entre les régions, les entreprise­s et l’Etat. Ça se passera dans une approche très pragmatiqu­e et proche du territoire.

L’intersyndi­cale a appelé à poursuivre la grève jusqu’au 28 juin. Déplorez-vous cette annonce ?

Il y a le bac, puis les vacances qui arrivent. Ceux qui sont dans une forme de surenchère, alors que la loi a été votée, risquent de ne plus être compris du tout par les Français. « Faire grève contre une loi, dans une démocratie, c’est curieux. »

Que ferez-vous si la grève se poursuit ?

La grève est un droit constituti­onnel. Il n’est pas question de l’interdire à quiconque. Mais faire grève, c’est aussi prendre ses responsabi­lités. Quand la loi est votée, elle doit être appliquée. Faire grève contre une loi, dans une démocratie, c’est curieux. Surtout quand l’Etat, et donc les Français, s’engage à payer 35 milliards d’euros de dette supplément­aire pour permettre à l’entreprise de mieux fonctionne­r et de se développer. Il y a un moment où il faut entendre ce que les Français ont à dire. Et les Français aimeraient que cette grève se termine.

Sur l’immigratio­n et l’asile, l’écologie et les aides sociales, on entend de plus en plus les voix divergente­s au sein de votre majorité. Peut-elle tenir pendant tout le quinquenna­t ?

Oui, car elle est cimentée par la philosophi­e et les engagement­s portés par le président de la République. Il y a des expression­s, des sensibilit­és, des interrogat­ions, et c’est sain. Si elles n’existaient pas, vous diriez que c’est une majorité de « godillots ». Elle est soudée et va mettre en oeuvre les engagement­s du président de la République, je n’ai aucun doute là-dessus.

Trois économiste­s ayant participé au programme d’Emmanuel Macron ont critiqué la politique sociale du gouverneme­nt. Assumez-vous de mener une politique de droite ?

Je suis là pour mettre en oeuvre les engagement­s du président, pas pour faire une politique de droite ou de gauche, ou dire si je suis de droite ou de gauche. D’ailleurs, sur le fond, ces économiste­s disent que le problème est moins dans l’équilibre des mesures que dans celui des incarnatio­ns. En matière de politique sociale, nous voulons, au nom de la justice sociale, savoir si les aides distribuée­s sont efficaces. Si ce n’est pas le cas, quelle honte de ne rien changer!

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Edouard Philippe, jeudi.
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Pour le Premier ministre, « ceux qui font de la surenchère risquent de ne plus être compris par les Français ».

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