Atteinte à la dignité, diagnostics faussés... les patients obèses dénoncent un matériel médical inadapté à leur situation
Un livre dénonce le manque de matériel adapté aux personnes de forte corpulence, et les risques qui en découlent
« Quand on enfile une blouse d’examen, il faut se poser la question : est-ce que je préfère montrer mes fesses ou mon pubis ? Ça s’appelle une atteinte à la dignité ! » s’agace Anne-Sophie Joly, la présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO). Au-delà, il s’agit surtout d’un problème de santé publique. Car, comme le soulignent Daria Marx et Eva Perez dans leur manifeste contre la grossophobie
Gros n’est pas un gros mot (Flammarion, publié fin mai), les obèses sont freinés dans leur accès aux soins à cause d’un matériel médical inadapté à leur forte corpulence.
Maltraitance, humiliation
Ce peut être « un lève-malade qui ne supporte pas plus de 120 kg, illustre Eva Perez. Pour la toilette, c’est compliqué, il y a des services où ils appellent du personnel en renfort, mais, sinon, on laisse les patients dans des conditions d’hygiène déplorables.» Ce peut être aussi un appareil d’IRM qui, insuffisamment large, oblige le patient à passer son examen dans un cabinet vétérinaire. Plutôt « très humiliant », tempête Pascale Champagne, vice-présidente d’Allegro Fortissimo, association contre la discrimination des personnes de forte corpulence. Les exemples sont malheureusement légion. Autre problème, quand les examens sont irréalisables, ils ne sont pas toujours fiables. « Certains patients ne peuvent se faire prendre la tension, car les médecins de ville sont rarement équipés d’un brassard taille obèse pour le tensiomètre, dénonce Eva Perez. Et, quand ils compriment leur bras pour le passer, mécaniquement ça fait augmenter la tension. Ce qui peut conduire à de mauvais diagnostics : parcours de soins pas adapté ou, au contraire, retard de prise en charge. » Autant de complications qui retiennent certaines personnes de consulter, ce qui peut multiplier les risques de développer cancers, diabète, hypertension, pour ne citer que ces pathologies. « Les outils existent, assurent les auteures de Gros n’est pas un gros
mot. Mais ils ne sont pas commandés. C’est donc un choix de santé publique. » Le ministère semble s’être emparé de la question, il planche sur un nouveau plan obésité. Il y a eu d’ailleurs des avancées. Trente-sept centres spécialisés obésité (CSO) en France ont ouvert et ont acheté du matériel adapté, comme des brancards (300-318 kg), des tables de bloc (270-450 kg), etc., précise l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Anne-Sophie Joly espère, elle, que « l’obésité devienne grande cause nationale ». Il y a urgence. Dix-sept pour cent des Français souffrent d’obésité, selon l’étude de Santé publique France de juin 2017. Et, d’après l’OMS, en 2045, un individu sur trois sera obèse si l’on reste à ce rythme.