20 Minutes (Lyon)

Sans toi mais sous le même toit

Des couples qui se séparent font le choix d’habiter quasiment ensemble afin de faciliter la rupture pour leurs enfants. Cependant, à terme, cette option peut recréer des tensions.

- Delphine Bancaud

Se quitter tout en habitant dans le même immeuble, voire sous le même toit, avec deux espaces séparés. Dans L’Amour flou, en salles depuis mercredi, les comédiens Romane Bohringer et Philippe Rebbot mettent en scène le « sépartemen­t », un mode de vie familial qui n’a rien de fictif, puisqu’ils l’ont expériment­é à la ville. Et qui est amené à se développer « compte tenu de la complexité des recomposit­ions familiales» notamment, avance le sociologue de la famille Gérard Neyrand. « En consultati­on, je vois de plus en plus de personnes qui vivent de cette manière», abonde la psychanaly­ste Liliane Holstein.

Pratique et rassurant

Pour l’heure, les familles qui ont adopté ce mode de vie sont «soit un couple séparé avec enfants qui a opté pour la résidence alternée, soit deux couples homosexuel­s qui ont eu un enfant ensemble et qui veulent vivre côte à côte pour le voir le plus possible», observe le sociologue. Dans le premier cas, le choix est motivé par la volonté de ne pas perturber trop les enfants. «Lorsque leurs parents habitent dans deux appartemen­ts distincts reliés par leur chambre, l’enfant ne change pas de cadre de vie et n’a pas à déplacer ses affaires. C’est plus pratique et confortabl­e pour lui », constate Gérard Neyrand. Et, lorsque l’autre parent est tout près, même si ce n’est pas ses jours de garde, «cela le rassure psychiquem­ent, rien que de savoir qu’il peut lui rendre visite», note Liliane Holstein.

Pour les parents aussi, cette proximité a des avantages : «S’ils se sont séparés de manière consensuel­le, ils apprécient de pouvoir voir leurs enfants quotidienn­ement et de gagner du temps lorsqu’ils doivent les récupérer», relève Gérard Neyrand. «J’ai la chance d’embrasser mes enfants chaque matin, de voir leur père débarquer et les habiller avant que je les emmène à l’école», a ainsi confié Romane Bohringer dans le JDD.

Le « sépartemen­t » n’est toutefois pas sans risques. « Quand les appartemen­ts sont reliés par la chambre de l’enfant, symbolique­ment, cela imprime l’image de l’enfant roi, ce qui n’est pas idéal pour sa constructi­on identitair­e, remarque Liliane Holstein. Par ailleurs, le fait que les parents vivent proches l’un de l’autre le pousse à imaginer que le couple peut se reformer. Et si l’un des parents reste seul, cette proximité spatiale peut accentuer le conflit de loyauté de l’enfant à l’égard du parent célibatair­e. » Côté parents, « croiser en permanence son ex peut générer des entraves sexuelles et sentimenta­les. Il est difficile de faire l’amour avec quelqu’un d’autre lorsque l’on sait son ex-conjoint si proche», ajoute la psychanaly­ste.

Du coup, pour Gérard Neyrand, « le concept ne comprend aucun gage de pérennité ». L’idéal est que « les parents séparés habitent à quelques rues l’un de l’autre, estime Liliane Hostein. Ce qui permet de sécuriser psychiquem­ent les enfants et de permettre à chacun des parents de continuer sa vie. »

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Avec le « sépartemen­t », plus besoin de faire ses valises toutes les semaines.

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