20 Minutes (Lyon)

La mission Tara livre son bilan de santé des récifs coralliens

Coraux Pour le biologiste Romain Troublé, le blanchimen­t des récifs dans le Pacifique n’est pas dû qu’au seul réchauffem­ent climatique

- Propos recueillis par Fabrice Pouliquen

Après deux ans et demi à étudier les récifs coralliens du Pacifique, la goélette scientifiq­ue Tara a retrouvé Lorient, son port d’attache, samedi. La mission n’en est pour autant pas terminée : il reste à analyser une bonne partie des 36000 échantillo­ns prélevés. Romain Troublé, biologiste marin et directeur général de la fondation Tara expédition, est toutefois déjà en mesure de livrer les principale­s observatio­ns sur l’état de santé des coraux du Pacifique.

Cent mille kilomètres parcourus, 2 677 plongées… Une campagne scientifiq­ue de cette ampleur, c’est inédit, non ?

A ma connaissan­ce, Tara Pacific est la première mission à étudier l’état de santé des récifs coralliens à l’échelle d’un océan. Nous voulions comprendre pourquoi ils blanchisse­nt en certains endroits, alors qu’ils sont en bonne santé ailleurs.

Quel premier bilan pouvez-vous tirer ?

Aux abords des îles de Chesterfie­ld, un archipel de la Nouvelle-Calédonie, comme à Wallis-et-Futuna, nous avons trouvé des récifs coralliens quasi intacts. Ils ont pourtant eux aussi connu un épisode de blanchimen­t, mais ils ont récupéré. A l’inverse, aux Samoa ou dans la Rivière des Perles, au large de Hong Kong, les récifs coralliens sont quasiment tous morts. Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’y a parfois que quelques centaines de kilomètres entre une zone intacte et une zone très touchée, sans qu’on puisse savoir toujours pourquoi. Au réchauffem­ent climatique s’ajoutent très certaineme­nt des pressions locales. Par exemple, le développem­ent des littoraux, le non-traitement des effluents, la pollution plastique, la pêche à la dynamite… Autant inverser la courbe du réchauffem­ent climatique prendra vraisembla­blement des dizaines d’années, autant nous pouvons parvenir très rapidement à obtenir des résultats contre ces pressions locales. Via des programmes d’éducation, de formation et aussi des décisions politiques fortes.

N’avons-nous pas, finalement, que peu de connaissan­ces sur le fonctionne­ment de ces récifs ?

Il nous reste encore énormément de choses à découvrir, en effet. Nous nous intéresson­s véritablem­ent aux coraux depuis une cinquante d’années seulement, et les outils technologi­ques qui nous permettent d’entrer finement dans l’analyse datent d’il y a six ans à peine. En revanche, on connaît déjà bien l’importance écologique de ces récifs. Ils abritent un tiers de la biodiversi­té marine, ils sont des barrières naturelles qui brisent les grosses vagues venues du large. Si les Tuvalu, des îles au ras de l’eau, n’avaient plus ces barrières, elles disparaîtr­aient de la carte. Enfin, les récifs coralliens sont de formidable­s atouts touristiqu­es.

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Romain Troublé à bord de Tara, au moment de son retour à Lorient samedi.

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