La mission Tara livre son bilan de santé des récifs coralliens
Coraux Pour le biologiste Romain Troublé, le blanchiment des récifs dans le Pacifique n’est pas dû qu’au seul réchauffement climatique
Après deux ans et demi à étudier les récifs coralliens du Pacifique, la goélette scientifique Tara a retrouvé Lorient, son port d’attache, samedi. La mission n’en est pour autant pas terminée : il reste à analyser une bonne partie des 36000 échantillons prélevés. Romain Troublé, biologiste marin et directeur général de la fondation Tara expédition, est toutefois déjà en mesure de livrer les principales observations sur l’état de santé des coraux du Pacifique.
Cent mille kilomètres parcourus, 2 677 plongées… Une campagne scientifique de cette ampleur, c’est inédit, non ?
A ma connaissance, Tara Pacific est la première mission à étudier l’état de santé des récifs coralliens à l’échelle d’un océan. Nous voulions comprendre pourquoi ils blanchissent en certains endroits, alors qu’ils sont en bonne santé ailleurs.
Quel premier bilan pouvez-vous tirer ?
Aux abords des îles de Chesterfield, un archipel de la Nouvelle-Calédonie, comme à Wallis-et-Futuna, nous avons trouvé des récifs coralliens quasi intacts. Ils ont pourtant eux aussi connu un épisode de blanchiment, mais ils ont récupéré. A l’inverse, aux Samoa ou dans la Rivière des Perles, au large de Hong Kong, les récifs coralliens sont quasiment tous morts. Ce qui est surprenant, c’est qu’il n’y a parfois que quelques centaines de kilomètres entre une zone intacte et une zone très touchée, sans qu’on puisse savoir toujours pourquoi. Au réchauffement climatique s’ajoutent très certainement des pressions locales. Par exemple, le développement des littoraux, le non-traitement des effluents, la pollution plastique, la pêche à la dynamite… Autant inverser la courbe du réchauffement climatique prendra vraisemblablement des dizaines d’années, autant nous pouvons parvenir très rapidement à obtenir des résultats contre ces pressions locales. Via des programmes d’éducation, de formation et aussi des décisions politiques fortes.
N’avons-nous pas, finalement, que peu de connaissances sur le fonctionnement de ces récifs ?
Il nous reste encore énormément de choses à découvrir, en effet. Nous nous intéressons véritablement aux coraux depuis une cinquante d’années seulement, et les outils technologiques qui nous permettent d’entrer finement dans l’analyse datent d’il y a six ans à peine. En revanche, on connaît déjà bien l’importance écologique de ces récifs. Ils abritent un tiers de la biodiversité marine, ils sont des barrières naturelles qui brisent les grosses vagues venues du large. Si les Tuvalu, des îles au ras de l’eau, n’avaient plus ces barrières, elles disparaîtraient de la carte. Enfin, les récifs coralliens sont de formidables atouts touristiques.