20 Minutes (Lyon)

« La technologi­e ne va pas ralentir », selon la boss de Mozilla

A la tête de Mozilla, la légende de la tech Mitchell Baker était invitée au Web Summit, à Lisbonne

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet, à Lisbonne

Avec sa coupe déstructur­ée, elle était l’une des stars du Web Summit de Lisbonne (Portugal), qui s’est clos jeudi soir. Mitchell Baker, pionnière d’Internet et présidente de Mozilla, le navigateur libre et gratuit développé par des milliers de bénévoles, est une légende dans la Silicon Valley. 20 Minutes a rencontré cette ardente défenseuse de la neutralité du Net.

Internet fait l’objet de nombreuses critiques. Etes-vous déçue de ce que le Web est devenu ?

Quand le Web est apparu, nous étions tellement attirés. Maintenant, nous en sommes revenus. Nous n’avions pas en tête que le pouvoir du Web pouvait être utilisé pour le mensonge, la propagande ou la violence. Et nous n’imaginions pas la facilité avec laquelle les êtres humains verseraien­t dans la violence, l’incivilité, les menaces sans sentiment de responsabi­lité.

Mozilla a célébré ses 20 ans cette année. Comment imaginezvo­us Internet dans vingt ans ?

Le réseau sera partout, avec des puces, une connexion facile… J’espère que les produits du réseau et les technologi­es aideront les gens à s’impliquer dans le monde. Aujourd’hui, c’est plutôt l’inverse. Les internaute­s sont des objets qu’on manipule plutôt que des personnes qui sont capables d’influer sur leur propre vie.

Le monde de la technologi­e aurait-il pu faire mieux par le passé ?

Le monde de la tech a traversé une période où il pouvait avoir le beurre et l’argent du beurre. Tout ce qui était bon pour l’entreprise était bon pour le monde. La société a encouragé les entreprene­urs du Web à se focaliser sur ce qui était amusant, intéressan­t et bon pour eux sans se soucier du reste. Ils pensaient faire de bonnes choses. C’était la grosse erreur.

Quels moyens faudrait-il mettre en place pour un Internet plus sain ?

Les leviers sont la compréhens­ion, l’aspiration et la déterminat­ion. Il faut d’abord comprendre, croire que quelque chose de meilleur est possible. L’innovation, les nouveaux produits et les nouvelles expérience­s sont importants. Pendant de nombreuses années, chez Mozilla, nous avons essayé de parler du choix, de la sécurité. Maintenant que les internaute­s commencent à faire l’expérience de ce que cela veut dire, les gens commencent à protéger leur vie privée et améliorer leur sécurité lorsqu’ils le peuvent. C’est le début du changement.

N’y a-t-il pas un risque de ne jamais voir venir les nouveaux problèmes ?

Absolument. Il y a du bon et du mauvais. Le rythme de la technologi­e ne va pas ralentir, au contraire. Nous allons voir naître de nouvelles capacités, bonnes et mauvaises.

Comment s’assurer que la technologi­e reste éthique ?

Notre éducation de base devrait donner des outils de compréhens­ion permettant de saisir ce que tout cela implique pour les gens. Aujourd’hui, il semble que les grandes plateforme­s rendent les utilisateu­rs dépendants. C’est peut-être ce qu’elles veulent pour faire de l’argent. Il faut le comprendre et dire non.

«Le rythme de la technologi­e ne va pas ralentir. Au contraire.»

«Les grandes plateforme­s rendent les utilisateu­rs dépendants. »

Vous êtes l’une des figures les plus importante­s de la tech. Comment avez-vous vécu le fait d’être une femme dans ce monde d’hommes ?

Je suis plutôt insolite. Vous savez, Mozilla est une organisati­on à but non lucratif. D’un côté, j’ai eu de la chance de ne pas vivre les mêmes mauvaises expérience­s que tant d’autres femmes dans le milieu. Mais je n’ai pas non plus été aidée comme de nombreux hommes.

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La présidente de l’organisati­on à but non lucratif Mozilla, Mitchell Baker, espère que «les technologi­es aideront les gens à s’impliquer dans le monde».

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