Les « gilets jaunes » zappent les violences faites aux femmes
Médias Les «gilets jaunes» ont volé la vedette à la manifestation contre les violences faites aux femmes, samedi
Les chiffres ont parlé, il y avait plus de violet que de jaune samedi à Paris. Selon la préfecture de police, on comptait 12 000 personnes dans les rangs de la marche organisée par le collectif #NousToutes contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes, et 8 000 porteurs de gilets jaunes. Sur l’ensemble du territoire, le ministère de l’Intérieur annonce 106 300 « gilets jaunes », en baisse par rapport aux près de 250 000 du samedi précédent. Pas encore de chiffre « officiel » pour #NousToutes, mais les organisateurs tablent sur 50000. Or, comme l’ont relevé des internautes, la couverture médiatique n’était pas proportionnelle aux mobilisations. A 19h40 samedi, Alice Coffin, directrice média de la Conférence lesbienne européenne, a partagé un instantané des pages d’accueil de dix sites d’information français. Neuf unes portaient sur les « gilets jaunes » (dont la page d’accueil de 20 Minutes) contre une sur #NousToutes (Le Monde). «C’était à craindre, commente Alice Coffin. La première explication qui est venue à l’esprit de toutes et tous, c’est la violence.» La violence de casseurs et l’image des flammes sur les Champs-Elysées sont plus fortes que n’importe quel rassemblement pacifiste, même de plusieurs milliers de personnes. Bibia Pavard, historienne du féminisme, renchérit : « Les médias ont raté le caractère historique de la marche #NousToutes. Le 25 novembre est la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et des rassemblements ont lieu depuis des années, mais avec 2 000 personnes maximum. Or, là, il y avait des dizaines de milliers de femmes et d’hommes de plusieurs générations, des groupes féministes et des non-militants ainsi que des jeunes femmes dont c’était sûrement la première manifestation. » Les mouvements féministes ont toujours été moins et mal couverts selon elle, et il a souvent fallu que la ligne de la légalité soit franchie pour que les médias s’y intéressent, comme avec les suffragettes au Royaume-Uni au début du XXe siècle. L’historienne explique cette invisibilisation médiatique par un « effet structurel », une histoire et une société patriarcales auxquelles les médias n’échappent pas. « Mais les choses changent, remarque-t-elle. Des journalistes, souvent des femmes, sont investis dans les questions féministes, et il existe une vigilance de tous les instants, post-#MeToo. Cette vigilance s’est exprimée ce samedi 24 novembre : ça ne passe plus. »
L’invisibilisation des femmes s’explique par un « effet structurel» lié à notre société patriarcale.