L’Eglise face à ses démons
Procès, livre-enquête, film... Alors que le pape va tenir à Rome un sommet sur les abus sexuels, le clergé catholique est au coeur de plusieurs scandales.
«Je veux partager ce prix avec les hommes libres qui m’ont inspiré ». Ces hommes, que François Ozon appelle aussi « mes héros », sont PierreEmmanuel, François et Alexandre. Trois Lyonnais, d’anciens scouts victimes des agressions sexuelles du père Preynat dans les années 1980 et 1990. Trois hommes dont le combat à travers l’association La Parole libérée a secoué l’Eglise et que le réalisateur français a voulu montrer dans le film Grâce à Dieu, récompensé samedi par le prix du jury au festival de Berlin. Le long-métrage, dont la sortie est programmée mercredi, n’est pas un brûlot contre l’Eglise. Il sonde le coeur de ces hommes, révoltés ou déterminés. « Les enfants abusés sont des bombes à retardement », justifie François Ozon, qui souhaitait parler de « la fragilité masculine». «Nos peurs, nos vécus et notre colère sont bien montrés », assure Pierre-Emmanuel GermainThill, incarné par Swann Arlaud. « Nos personnages sont fidèles à la réalité, même si leurs caractères sont très marqués… bien plus que les nôtres », dit en riant Alexandre Hezez, à qui Melvil Poupaud prête ses traits. « C’est très perturbant, très troublant, confesse à son tour François Devaux, interprété par Denis Ménochet. Il y a des choses très précises et parfois imperceptibles pour le spectateur.» Et d’ajouter : «Nous n’avons pas voulu nous mettre en avant dans ce combat.» Le visage empourpré, l’homme a dû mal à se livrer. « La mise à nu n’est pas toujours agréable », dit-il en souriant. Les acteurs ont composé un rôle sans rencontrer les intéressés. Un choix évident pour Melvil Poupaud. « Il ne s’agissait pas d’un biopic, répond le comédien. Mais cette histoire est tellement touchante que cela est venu assez naturellement. » « Mis dans les mains de François Ozon, cela crée quelque chose qui relève de la fiction, poursuit Pierre-Emmanuel. Cela permet de nous excentrer.»
« Ce film de société touchera-t-il peutêtre ceux qui, jusque-là, n’en avaient pas entendu parler ? » espère François Devaux, président de La Parole libérée. « Grâce à Dieu a le mérite d’universaliser le sujet de la pédophilie et du silence, sans le rendre anxiogène, estime Alexandre Hezez. L’Eglise doit pouvoir s’en emparer afin d’ouvrir le débat. » « Cela serait certainement plus judicieux que d’essayer d’en repousser la sortie », lâche Pierre-Emmanuel Germain-Thill. Le juge des référés, saisi par l’avocat du père Preynat, doit se prononcer sur le sujet ce lundi. Il a demandé que le film soit reprogrammé après le procès du curé, qui doit se tenir en décembre.
«La mise à nu n’est pas toujours agréable. »
François Devaux, président de l’association La Parole libérée