20 Minutes (Lyon)

L’Eglise face à ses démons

Procès, livre-enquête, film... Alors que le pape va tenir à Rome un sommet sur les abus sexuels, le clergé catholique est au coeur de plusieurs scandales.

- Caroline Girardon

«Je veux partager ce prix avec les hommes libres qui m’ont inspiré ». Ces hommes, que François Ozon appelle aussi « mes héros », sont PierreEmma­nuel, François et Alexandre. Trois Lyonnais, d’anciens scouts victimes des agressions sexuelles du père Preynat dans les années 1980 et 1990. Trois hommes dont le combat à travers l’associatio­n La Parole libérée a secoué l’Eglise et que le réalisateu­r français a voulu montrer dans le film Grâce à Dieu, récompensé samedi par le prix du jury au festival de Berlin. Le long-métrage, dont la sortie est programmée mercredi, n’est pas un brûlot contre l’Eglise. Il sonde le coeur de ces hommes, révoltés ou déterminés. « Les enfants abusés sont des bombes à retardemen­t », justifie François Ozon, qui souhaitait parler de « la fragilité masculine». «Nos peurs, nos vécus et notre colère sont bien montrés », assure Pierre-Emmanuel GermainThi­ll, incarné par Swann Arlaud. « Nos personnage­s sont fidèles à la réalité, même si leurs caractères sont très marqués… bien plus que les nôtres », dit en riant Alexandre Hezez, à qui Melvil Poupaud prête ses traits. « C’est très perturbant, très troublant, confesse à son tour François Devaux, interprété par Denis Ménochet. Il y a des choses très précises et parfois impercepti­bles pour le spectateur.» Et d’ajouter : «Nous n’avons pas voulu nous mettre en avant dans ce combat.» Le visage empourpré, l’homme a dû mal à se livrer. « La mise à nu n’est pas toujours agréable », dit-il en souriant. Les acteurs ont composé un rôle sans rencontrer les intéressés. Un choix évident pour Melvil Poupaud. « Il ne s’agissait pas d’un biopic, répond le comédien. Mais cette histoire est tellement touchante que cela est venu assez naturellem­ent. » « Mis dans les mains de François Ozon, cela crée quelque chose qui relève de la fiction, poursuit Pierre-Emmanuel. Cela permet de nous excentrer.»

« Ce film de société touchera-t-il peutêtre ceux qui, jusque-là, n’en avaient pas entendu parler ? » espère François Devaux, président de La Parole libérée. « Grâce à Dieu a le mérite d’universali­ser le sujet de la pédophilie et du silence, sans le rendre anxiogène, estime Alexandre Hezez. L’Eglise doit pouvoir s’en emparer afin d’ouvrir le débat. » « Cela serait certaineme­nt plus judicieux que d’essayer d’en repousser la sortie », lâche Pierre-Emmanuel Germain-Thill. Le juge des référés, saisi par l’avocat du père Preynat, doit se prononcer sur le sujet ce lundi. Il a demandé que le film soit reprogramm­é après le procès du curé, qui doit se tenir en décembre.

«La mise à nu n’est pas toujours agréable. »

François Devaux, président de l’associatio­n La Parole libérée

 ??  ?? A nos lecteurs. Mardi 19, mercredi 20 et jeudi 21 février, retrouvez «20 Minutes» en version PDF sur le site et les applicatio­ns mobiles. Et suivez l’actualité sur l’ensemble de nos supports numériques.
A nos lecteurs. Mardi 19, mercredi 20 et jeudi 21 février, retrouvez «20 Minutes» en version PDF sur le site et les applicatio­ns mobiles. Et suivez l’actualité sur l’ensemble de nos supports numériques.
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Pierre-Emmanuel Germain-Thill, François Devaux et Alexandre Hezez.

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