Une indignation manifeste
Des rassemblements, auxquels participeront de nombreuses formations politiques, sont prévus ce mardi pour dénoncer les actes antisémites, en recrudescence ces derniers mois.
Le portrait de Simone Veil barré d’une croix gammée, l’arbre en mémoire d’Ilan Halimi vandalisé, Alain Finkielkraut pris à partie en marge d’une manifestation de « gilets jaunes »... Ces derniers jours, les actes antisémites se sont multipliés. Le semaine dernière, le ministre de l’Intérieur a annoncé une hausse de 74 % de ces actes en 2018, après deux années de baisse. Pour comprendre ce phénomène, 20 Minutes a interrogé Marie-Anne Matard-Bonucci, professeure à Paris-VIII, spécialiste des fascismes et de l’antisémitisme.
Comment expliquez-vous la hausse si importante des actes antisémites ? Elle est à mettre en relation avec un contexte de crise sociale et politique propice aux accusations simplistes et aux attaques contre des « boucs émissaires ». Elle est aussi l’effet d’une stratégie de déstabilisation conduite par des activistes violents, principalement à l’extrême droite. S’y ajoute peut-être un effet statistique, conséquence d’un enregistrement plus méthodique des faits. Selon des enquêtes récentes, les Français sont de plus en plus perméables aux thèses complotistes. Cela explique-t-il aussi cette hausse ? L’antisémitisme est sans doute l’un des avatars les plus anciens du complotisme et des « fake news ». Il y a un phénomène cumulatif, qui explique l’augmentation des discours de haine sur les réseaux sociaux. Les personnes sont confortées dans leurs préjugés, car il leur arrive à jet continu le même type de discours. Observe-t-on, en France, une forme de banalisation de l’antisémitisme ? Des garde-fous tombent, notamment les valeurs d’humanisme et d’universalisme républicains autour desquelles s’était reconstruite la société après la Seconde Guerre mondiale. Aussi, l’Education nationale n’est pas à la hauteur de ses missions dans la lutte contre les préjugés. Enseigner la Shoah est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut expliquer les raisons plus lointaines de l’antisémitisme et aborder toutes les formes de racisme et d’hostilité identitaire pour les déconstruire.
Propos recueillis par
Thibaut Chevillard