La communauté algérienne doute de l’après-Bouteflika
Marseille Pour de nombreux habitants, le renoncement d’Abdelaziz Bouteflika est « une ruse »
En haut du cours Belsunce, mardi, à Marseille (1er), la terrasse de café est, comme d’habitude, pleine à craquer. Des tablées d’hommes, qui n’ont pas tous envie de réagir publiquement aux nouvelles tombées la veille au soir : le retrait de la candidature Bouteflika à un cinquième mandat et le report de la présidentielle en Algérie, sans date précise.
« Un changement radical »
Yazid, 35 ans, est l’un des rares à accepter de répondre : «Le peuple n’a pas encore gagné, on veut un autre système, une nouvelle génération qui a les mains propres.» A l’intérieur du café, l’écran géant est branché sur la télévision algérienne, qui diffuse des images de manifestations : des milliers d’étudiants étaient de retour dans la rue, mardi, à Alger.
Un peu plus loin dans Belsunce, devant un thé à la menthe, Hamid, 50 ans, analyse : « Les Algériens veulent un changement radical. Il ne s’agit pas uniquement du président, mais du président, de sa clique, du régime tout entier. Pour l’instant, la contestation est pacifique, mais cela peut déraper à n’importe quel moment.» C’est d’ailleurs «ce qu’ils veulent, enchaîne-t-il. Comme ça, ils pourraient instaurer un état de siège. Sinon, comment expliquer les décisions de [lundi] soir ? » Animatrice à Radio Gazelle, Mahdjouba Benaïda ressent de son côté «une grande inquiétude » chez les auditeurs. «Il y a beaucoup d’appels, témoignet-elle. Les informations sont très limitées. Les gens se font beaucoup de soucis avec ce qu’il se passe de l’autre côté de la Méditerranée.» «Cela va repartir de plus belle, les gens sont très en colère», affirme quant à lui Ahmed Ouared, l’un des organisateurs des manifestations à Marseille et l’un des représentants locaux du parti algérien Jil Jadid, qui vise à instaurer un Etat de droit en
favorisant l’émergence d’une nouvelle génération politique. Le peuple a été floué, c’est une ruse.»
Dans la cité phocéenne, rendez-vous est d’ores et déjà fixé pour dimanche. Selon les autorisations de la préfecture, il prendra la forme d’un rassemblement porte d’Aix ou, ce que préféreraient les organisateurs, d’une marche, comme la semaine passée. Tout juste rentré d’Alger, où «il a vu une ambiance superbe et une jeunesse déterminée», Allel, 45 ans, ne pense a priori pas s’y rendre. «Je ne vois pas l’utilité d’aller marcher à Marseille, cela va faire chier qui ? », interroge-t-il.