Un procès pour porter le message
Justice Ce jeudi, quatre ONG mettent leur menace à exécution en attaquant l’Etat français pour son inaction climatique
« L’affaire du siècle », acte 2. En décembre, les antennes françaises d’Oxfam et de Greenpeace, ainsi que la Fondation pour la nature et l’homme et Notre affaire à tous lançaient l’acte 1 d’une action en justice contre l’Etat pour son inaction dans la lutte contre le changement climatique. Il consistait en une demande préalable pour que la France agisse véritablement.
L’exemple néerlandais
Mécontents de la réponse apportée in extremis par François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, et comme la procédure les y autorise, les quatre requérants ont donc décidé d’enclencher l’acte 2 de leur bataille : déposer un recours devant le tribunal administratif de Paris. Ce qui doit être fait ce jeudi matin.
La décision, elle, pourrait prendre plusieurs années avant d’être prononcée. Cela a été le cas pour l’action menée par Urgenda aux Pays-Bas, l’une des principales sources d’inspiration de « l’affaire du siècle ». Elle a été lancée en 2012. Or, l’ONG néerlandaise a attendu six ans avant que le tribunal de La Haye ordonne à l’Etat de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays d’au moins 25 % d’ici à 2020 par rapport à 1990.
Pour Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement, ce n’est pourtant pas tant la décision de justice qui importe que la mobilisation et la communication qui accompagnent ces procédures judiciaires. « L’Etat néerlandais a admis être en retard sur ses objectifs climatiques et a présenté des mesures visant à corriger le tir avant même que la décision de justice soit rendue », rappelle-t-il. L’été dernier, sept partis néerlandais représentant une large majorité au Parlement ont déposé une loi ambitieuse sur le changement climatique, vue comme l’une des conséquences positives de l’affaire Urgenda. Et, chaque quatrième jeudi d’octobre, le gouvernement devra, par exemple, rendre compte du niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre atteint.
Fanny Giansetto, docteure en droit spécialisée sur les questions de justice climatique et porte-parole de Notre affaire à tous, n’oublie toutefois pas le but ultime de « l’affaire du siècle » : obtenir une injonction de l’Etat français à mettre son action climatique en cohérence avec ses engagements en la matière. Ceux pris en ratifiant l’Accord de Paris, qui engage les pays signataires à contenir le réchauffement mondial sous les 2 °C, voire 1,5 °C, d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. « Même si la procédure sera longue, obtenir cette décision de justice reste capitale », insiste Fanny Giansetto. Mais « nous savons bien que nous ne pouvons pas seulement attendre cette décision », rappelait mardi Marie Pochon, autre porte-parole de Notre affaire à tous. D’où son appel à rejoindre la Marche du siècle, organisée samedi à Paris et les 170 autres mobilisations qui lui sont liées le même jour en France.