20 Minutes (Lyon)

Cambridge Analytica et «la malhonnête­té» des politicien­s

Le cofondateu­r de La Quadrature du Net Benjamin Bayart revient sur le scandale Cambridge Analytica, un an après

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet

Survenu il y a un an, le scandale Cambridge Analytica, autour des données personnell­es, égratignai­t l’image de Facebook et de son président, Mark Zuckerberg. Benjamin Bayart, cofondateu­r de l’associatio­n La Quadrature du Net, qui animera la conférence « La démocratie à l’épreuve des réseaux sociaux » au Grand Barouf numérique de Lille, jeudi, revient sur cette manipulati­on de grande ampleur.

Cambridge Analytica a-t-il changé notre manière de voir la démocratie ?

Le lien avec la démocratie n’est pas direct. Je ne crois pas que, avec quelques posts finement ajustés, on ait pu modifier lourdement le résultat des élections. En revanche, Cambridge Analytica a montré que différente­s familles de margoulins tripatouil­lent les données personnell­es pour faire des choses malsaines. Et je constate que les politicien­s sont aussi malhonnête­s que les autres. Ce qui met en danger la démocratie, ce n’est pas tant le fait que certaines personnes font n’importe quoi avec les données personnell­es, mais le fait que les politicien­s trouvent normal d’avoir recours à ces méthodes.

Un an après, a-t-on des leviers plus efficaces pour lutter contre ces dérives ?

Les leviers existent, mais on les utilise très faiblement. Le texte européen sur les données personnell­es interdit de les utiliser pour n’importe quoi. Les personnes doivent donner leur consenteme­nt à l’usage qu’on fait de leurs données. A l’heure actuelle, ce n’est pas respecté, puisqu’on utilise vos données personnell­es pour cibler la publicité. Si on applique fermement le droit européen, c’est interdit. Les textes européens devraient écrire : « La publicité ciblée est interdite. »

Dans le futur, la démocratie va-t-elle renouer avec la discussion politique ?

Je pense qu’elle va la retrouver avec Internet, comme outil de communicat­ion qui permet à tout le monde de s’exprimer tout le temps et de former des sujets politiques. Il ne s’agit pas forcément de sujets très complexes, mais d’identifier le problème et d’identifier son ennemi. Cela permet de restructur­er un paysage de gens qui débattent. Pour le moment, c’est très incomplet.

Si Cambridge Analytica se reproduisa­it aujourd’hui, cela choquerait-il encore ?

Cela ne surprendra­it pas comme Cambridge Analytica a pu surprendre, mais cela continuera­it de choquer. Le paysage législatif ayant changé, je pense que cela donnerait lieu à des sanctions assez sévères. Je garde comme exemple la sanction de 50 millions d’euros décidée par la Commission nationale de l’informatiq­ue [Cnil] et des libertés contre Google. C’est la toute première d’une très longue liste, et les montants vont augmenter.

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L’affaire Cambridge Analytica a détérioré l’image de Facebook.

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