20 Minutes (Lyon)

D’ex-mannequins racontent les agressions sexuelles dont elles ont été victimes

#MeToo «20 Minutes» a recueilli la parole d’ex-mannequins, qui dénoncent les agressions sexuelles subies dans les années 1980

- De notre correspond­ant en Californie, Philippe Berry

Time’s up. L’affaire Epstein a braqué les projecteur­s sur l’agent de mannequins Jean-Luc Brunel, accusé d’agressions sexuelles et d’avoir fourni des mineures au financier américain décédé en août. Mais des top-modèles avaient tenté de tirer la sonnette d’alarme dès les années 1980 contre de nombreux agents. Alors que la fashion week se tient à Paris jusqu’à jeudi, plusieurs femmes témoignent pour 20 Minutes.

Lisa Gattis a 18 ans, en 1980, quand elle arrive à Paris dans l’agence Prestige de Claude Haddad (décédé en 2009). L’Américaine, hébergée chez lui, fait la couverture d’Elle, puis Haddad l’invite à Ibiza. Selon son récit, son agent frappe à sa chambre la première nuit : « J’ai fait semblant d’être endormie. Il est resté, me murmurant : ‘’Tu n’es gentille que quand tu dors’’. » Une autre mannequin arrive, et, un matin, «Claude Haddad est sorti de sa chambre, nu. Il était… prêt, si vous voyez ce que je veux dire, et s’est dirigé vers ma chambre. On s’est mises à rire.» Lisa Kauffmann, elle, arrive à Paris en 1983, toujours chez Haddad : «Unée nuit, il s’est glissé dans mon lit et s’est frotté contre moi.» Selon la Canadienne, « C’était un creep [pervers]. J’avais 17 ans, il en avait 48. » Pourquoi

Lisa Kauffmann,

aucun mannequin n’a porté plainte? «De nombreuses filles avaient peur des représaill­es sur leur carrière», selon elle.

Le photograph­e Alé de Basseville, qui a commencé dans les années 1980, affirme à 20 Minutes que plusieurs mannequins lui ont confié avoir été violées par Claude Haddad. La réputation de ce dernier est exposée au grand jour dans le reportage «American Girls in

«De nombreuses filles avaient peur des représaill­es sur leur carrière.»

Paris», diffusé par CBS en 1988, qui met fin à sa carrière.

Marie Anderson, vice-présidente d’Elite Chicago au milieu des années 1980, se souvient d’une fille de 18 ans : «Je l’ai mise en garde contre Gérald Marie [alors patron d’Elite Paris].» La jeune femme l’appelle, « en pleurs » car l’agent tente de «l’intimider pour qu’elle couche avec lui». Marie Anderson lui dit de «résister». Peu après, la jeune femme fait la une d’un magazine. «Elle m’a avoué qu’elle avait cédé, raconte Marie Anderson. Ça m’a brisé le coeur. » En 2011, Carré Otis publie son autobiogra­phie, Beauty, Disrupted. Elle accuse son ancien agent, Gérald Marie, de l’avoir violée quand elle était logée chez lui à Paris en 1985-1986, à l’âge de 17 ans. «On était des gamines dans une industrie qui normalisai­t ces comporteme­nts », explique-t-elle à 20 Minutes. Nous avons envoyé des questions à Gérald Marie via son agence, Oui Management, laquelle a répondu qu’il « ne souhaitait pas s’exprimer ». Selon la top-modèle américaine, il n’a jamais publiqueme­nt contesté ses allégation­s. « La réticence de l’industrie illustre la montagne qu’on a à gravir, explique Carré Otis. Il faut éduquer suffisamme­nt de personnes pour créer une nouvelle norme. »

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Gérald Marie, alors patron de l’agence Elite Europe en 2001, à Cannes.

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