«La science-fiction a souvent été lucide»
L’auteur de l’«Anthologie des dystopies », Jean-Pierre Andrevon, revient sur ce genre littéraire et cinématographique
Qu’ont en commun des oeuvres comme Metropolis, Le Meilleur des mondes, Fahrenheit 451 ou Blade Runner ? Il s’agit de dystopies. Ces oeuvres racontent des sociétés imaginaires qui ont viré au cauchemar. Jean-Pierre Andrevon, auteur reconnu de science-fiction et journaliste, signe une Anthologie des dystopies (éd. Vendémiaire). Il y décrit les différentes menaces que ces oeuvres convoquent et qui planent sur notre réalité : dictatures, cataclysmes…
Est-ce que la dystopie est un genre à la mode depuis le succès de séries comme ou ?
Black Mirror The Handmaid’s Tale
Je ne crois pas. Il n’y a quasiment plus aucun roman de dystopie qui paraît. La dystopie est un sujet qui a toujours intéressé la science-fiction, mais qui n’a jamais été très populaire, parce qu’on n’a jamais envie d’entendre de mauvaises nouvelles !
D’où vient le récit de dystopie ?
La dystopie est une réponse à l’utopie, une utopie inversée. L’utopie a été inventée par des philosophes et penseurs du XVIIIe siècle, qui ont cherché à imaginer la meilleure forme de gouvernement. Dans leurs sociétés « idéales », l’égalitarisme est trompeur et conduit souvent à des dictatures. La dystopie, c’est une utopie appliquée. Elle décrit une société qui veut faire le bonheur de ses membres malgré eux, contre eux. La dystopie consiste à accepter l’inacceptable.
C’est pour cela que de nombreuses dystopies décrivent des sociétés totalitaires ?
Oui, ça a été beaucoup ce modèle. Mais, aujourd’hui, ce n’est plus la dictature staliniste qui nous menace. Aujourd’hui, le danger, c’est l’emballement climatique, l’épuisement des ressources, la pollution… Les méchants, ce serait des climatosceptiques.
Y a-t-il une dimension prophétique dans les oeuvres dystopiques ?
On n’est pas des prophètes, non. Mais, et je suis un peu navré de le constater, les auteurs de science-fiction intéressés par les dystopies ont souvent eu raison… Ils sont des lanceurs d’alerte. Je ne dis pas que la science-fiction a tout prévu, mais elle a souvent été lucide. Metropolis, en 1926, anticipe beaucoup de choses sur l’aliénation au travail, sur les plus riches qui échappent aux effets de la pollution, sur l’avènement d’une puissance aveugle.