20 Minutes (Lyon)

«Room With a View» fait valser les crises de l’époque

«Room With a View» propose une chorégraph­ie inspirée des crises actuelles. Pour exorciser la rage

- Aude Lorriaux

Dans une carrière de marbre qui s’effrite et s’effondre, une horde de raveurs danse frénétique­ment autour d’un DJ. Plus tard, ils planent en portant le DJ en l’air et chorégraph­ient des scènes d’amour-haine, où les corps s’attirent et se rejettent, mimant pour certains des viols très crus. Voici Room With a View, une analyse des mouvements souterrain­s de notre époque par le musicien Rone et le collectif (La) Horde. Une chorégraph­ie electro donnée jusqu’au 14 mars au théâtre du Châtelet, à Paris. Le récit est celui de la réaction désordonné­e d’une génération confrontée au désastre. « Nous avons pensé ce spectacle comme celui d’un difficile éveil des conscience­s, d’une marche forcée par la perspectiv­e écrasante de l’effondreme­nt», expliquent Rone et (La) Horde dans le livret d’introducti­on.

«Un monde salopé»

Les corps des danseurs et danseuses du Ballet national de Marseille s’envolent dans des portés aériens, et retombent si près du bord, si près de la catastroph­e. La troupe de raveurs se caresse autant qu’elle se bastonne, comme si elle n’avait d’autre choix que d’être traversée par cette violence. « La chorégraph­ie rencontre la musique pour raconter la souffrance et la légitime colère des génération­s actuelles», expliquent Rone et (La) Horde. « Ballet ou troupe, une chorégraph­ie trahit toujours une vision politique, écrit l’auteur de science-fiction Alain Damasio à propos du spectacle. C’est une horde qui danse et qui pense avec ses poings et ses pieds. Et qui vient te défier. Ce qui rougit est moins la peau des poitrines mises à nu que la prise de conscience que ce qu’on leur a laissé, nous les plus vieux, à cette génération qui pousse, c’est un monde salopé qu’il va falloir réparer.»

En sortant de Room With a View, pourtant, on a envie de danser, on est remplis d’une furieuse énergie. Et il reste cette image : un jet de pierre qui soudain se fait danse. On voit des corps révoltés lancer des pavés imaginaire­s sur des forces de l’ordre absentes. Et puis, progressiv­ement, la colère se change en danse. C’est une transforma­tion lente. On passe de la rage à l’amour. Et on se dit que de ce chaos, il naîtra bien quelque chose.

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 ??  ?? Rone et la troupe du Ballet national de Marseille sur la scène du théâtre du Châtelet, à Paris, jusqu’au 14 mars.
Rone et la troupe du Ballet national de Marseille sur la scène du théâtre du Châtelet, à Paris, jusqu’au 14 mars.

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