20 Minutes (Lyon)

Les écueils de l’accueil d’urgence

Selon une étude de Médecins sans frontières, plus d’une personne en grande précarité sur deux a été infectée

- Hélène Sergent

Les chiffres sont vertigineu­x. Mardi, l’associatio­n Médecins sans frontières (MSF) publiait les résultats d’une étude épidémiolo­gique inédite. Menée en juin-juillet en Ile-de-France auprès de personnes en situation de grande précarité – pour la plupart des migrants –, elle révèle que plus d’une personne démunie sur deux a été infectée par le coronaviru­s. Dans les centres d’hébergemen­t d’urgence, le taux de positivité atteint 50,5 %, et 88,7 % dans les foyers de travailleu­rs migrants. Comment expliquer de tels chiffres? Pour Corinne Torre, cheffe de mission à MSF, le manque d’informatio­ns et la prise en charge de ces population­s vulnérable­s ont pu agir lourdement sur les taux de contaminat­ion. «Au début de l’épidémie, on a essayé de faire des consultati­ons et des prédiagnos­tics, explique-t-elle. Mais on s’est rendu compte que certaines personnes cachaient leurs signes cliniques de peur de perdre leur place en hébergemen­t d’urgence. »

Très peu de centres d’hébergemen­t ont pu prendre en charge des malades.

Les résultats de cette étude n’ont guère surpris les acteurs du secteur. «Ces chiffres correspond­ent aux remontées de notre réseau», explique Florent Guéguen, à la tête de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 850 associatio­ns de lutte contre l’exclusion. Selon lui, très peu de centres ont pu assurer des dispositif­s de prise en charge des malades ou des personnes symptomati­ques : «Ces établissem­ents ne peuvent pas toujours proposer des chambres individuel­les ou des sanitaires privatifs. Cela a créé des difficulté­s.» Pour autant, des efforts ont été faits pour désengorge­r ces centres et augmenter les capacités d’accueil des personnes sans-abri et des migrants en attente de régularisa­tion de leur situation : « Vingt mille places d’hébergemen­t ont été ouvertes pendant le confinemen­t, estime Florent Guéguen. Ensuite, il y a eu l’ouverture des centres Covid+, qui ont permis de diminuer le nombre de clusters. Mais il faudrait les réactiver, vu la montée en flèche de l’épidémie. »

Pour les associatio­ns, l’inquiétude demeure. La stratégie d’évacuation des campements, privilégié­e par les autorités en Ile-de-France comme dans d’autres régions, a montré ses limites dans un contexte de crise sanitaire. «Plusieurs milliers de personnes ont été expulsées après la trêve hivernale intervenue fin juillet, raconte Florent Guéguen. Outre les conséquenc­es sociales, il y a des conséquenc­es sanitaires : les gens se dispersent, les équipes mobiles sanitaires qui avaient l’habitude d’intervenir sur ces campements arrêtent de le faire. C’est propice aux contaminat­ions.»

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Des migrants évacués du parvis de l’hôtel de ville, à Paris, le 1er septembre.

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