Des animaux de la préhistoire retrouvent leur voix
Découverte Un chercheur a redonné de la voix à trois animaux préhistoriques : le mégacéros, l’ours des cavernes et le rhinocéros laineux
A quoi ressemblaient les cris du mégacéros et du rhinocéros laineux ? Comment rugissait l’ours des cavernes? Nul ne saurait le dire précisément puisque ces trois espèces, vivant à la préhistoire, ont disparu il y a environ 12 000 ans. Le chercheur David Reby, qui travaille pour le Centre de recherche en neurosciences de Lyon et qui enseigne à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne, a pourtant oeuvré avec minutie pour percer le mystère. Un défi qu’il a relevé avec «amusement» même s’il convient avoir «pris sa mission au sérieux ».
L’homme travaille depuis longtemps sur la communication vocale des grands mammifères terrestres. «Je n’ai pas tout à fait reconstitué les cris de ces animaux puisqu’on ne les a jamais entendus, mais je pense m’en être approché le plus fidèlement», sourit-il avant de détailler son labeur. Pour le mégacéros, « un animal de taille impressionnante », le chercheur a travaillé à partir des cris du daim qu’il a modifiés.
Un travail de fourmi
«J’ai enregistré des raires de daims en Irlande dont l’apparence et la biologie se rapprochent le plus de celles du Mégacéros, explique-t-il. J’ai ensuite abaissé la fréquence de leur timbre de 30 % pour simuler un cou démesuré et des cordes vocales longues et épaisses. » La durée du cri a également été allongée pour tenir compte de la capacité pulmonaire du mégacéros. «J’aime remonter le temps pour mes enregistrements», poursuit David Reby en riant. Ses recherches l’ont également emmené dans l’Aude, au fond de la grotte du Limousis où vivaient jadis les ours des cavernes. Au préalable, le chercheur a pris le soin de capter les grognements de Julia, femelle grizzly qui se trouve sous la protection de dresseurs à Orléans. Il a emmené ensuite son enregistrement dans la « salle des colonnes» de la grotte pour procéder à un second travail : utiliser la résonance des lieux, réenregistrer le son «dans une acoustique parfaite » et gommer les bruits parasites. « La fréquence des cris n’a pas été changée. En revanche, j’ai choisi de saturer légèrement l’enregistrement pour augmenter l’agressivité apparente de l’animal, que l’on peut ainsi imaginer à l’entrée de sa grotte pour défendre son territoire.»
Enfin, pour reproduire les cris du rhinocéros laineux, le chercheur a mixé les barrissements d’un rhinocéros et une ambiance sonore enregistrée dans la lande écossaise. Sans pour autant exagérer le résultat. Car il ne s’agissait pas de tomber dans le cliché. «Il y a aucune raison de penser que ces animaux vocalisaient de manière plus primitive qu’aujourd’hui. Je ne voulais pas bêtifier le rendu», conclut David Reby.
Le fruit de ses travaux est actuellement présenté lors d’une exposition au musée de Préhistoire de Solutré qui est visible jusqu’au 16 mai.