Lutte de classes
A l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école ce jeudi, Mr Tan, l’auteur de la BD «Mortelle Adèle», raconte comment l’art peut aider les enfants à se défendre.
La bande dessinée Mortelle Adèle est un phénomène de librairie. L’héroïne imaginative et impertinente est devenue l’icône des enfants en général, et des «Bizarres» en particulier, qui ne trouvent pas leur place dans la cour de récréation. Comme son créateur, Antoine Dole (photo). A l’occasion, ce jeudi, de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école, il explique comment les héros et héroïnes de papier, de télé, de ciné peuvent aider les vic- times de harcèlement.
Vous avez été victime de violences scolaires. Pouvez-vous en parler ?
A mon arrivée au collège, j’étais petit, sensible… Et j’ai été pris en grippe par une bande de garçons qui ont décidé que j’étais leur souffre-douleur. Or, à l’époque, je n’arrivais pas à m’affirmer, et cela a duré plusieurs années. L’inconscient crée alors des tactiques de survie. Moi, ça a été un alter ego qui prenait le contre-pied de la situation. Une sorte de surmoi, nommé Mortelle Adèle.
Vous avez abordé le harcèlement scolaire dans vos livres…
J’ai écrit deux romans sur les violences scolaires, A copier 100 fois (Sarbacane) et Naissance des coeurs de pierre (Actes sud junior). Mais mon métier demande aussi d’aller dans les écoles pour en parler. Le harcèlement scolaire existait déjà dans les années 1990. Aujourd’hui, il est encore plus violent, car il peut continuer sur les réseaux sociaux [lire ci-dessous]. Là où je pense que nous, auteurs et autrices, avons une réponse à apporter, c’est comment nous allons nourrir et aider les enfants qui peuvent être la cible de violences scolaires. Quels outils leur donner pour comprendre qu’ils ont le droit d’exister?
Et Mortelle Adèle est l’un de ces « outils » ?
Mortelle Adèle est devenue un symbole fort dans la vie des enfants, elle les a, dans un sens, libérés de ce qu’on attend d’un enfant quand il grandit. Nous recevons beaucoup de témoignages de jeunes qui se font harceler et qui répondent : «Poussez-vous les moches.» Je trouve ça génial. On a donné aux enfants des moyens de se défendre.
De Zoé Super au Manoir Croquignole, l’idée d’être « spécial » parcourt vos BD…
Il est moins question de devenir super ou spécial que de se rendre compte qu’on est tous spéciaux. Mortelle Adèle rappelle qu’on est tous, un jour, le bizarre de quelqu’un. C’est le message de mes oeuvres : l’obscurité n’existe que pour nous apprendre à briller plus fort.