20 Minutes (Lyon)

«Je me sens un peu au carrefour de ce qu’est le rap»

Médine revient avec un album très personnel et se dévoile dans un documentai­re

- Propos recueillis par Clio Weickert

Un retour en plein reconfinem­ent. Vendredi, le rappeur Médine a sorti son nouvel album, Grand Médine. L’artiste se livre également dans un documentai­re intime, actuelleme­nt disponible sur France TV Slash, « Médine Normandie». L’occasion de revenir pour 20 Minutes sur son rapport à la paternité, à l’enfance, et à la peur du temps qui passe.

On vous découvre sous un angle plus personnel à travers cet album et ce documentai­re. Pourquoi cette volonté de vous ouvrir plus ?

J’ai l’impression que, avec l’âge, l’expérience, les meilleurs enseigneme­nts de la vie se trouvent dans l’intime. Quand on gagne en maturité, même si ce mot ne me va absolument pas, j’ai l’impression qu’on se dévoile plus, et on en sait un peu plus sur les hommes en général.

Votre famille, et notamment vos enfants, apparaît dans ces deux projets. La paternité est quelque chose qui a beaucoup changé votre façon d’appréhende­r la vie ?

Plus que la paternité, c’est mon rapport à l’enfance, et le fait que j’ai la chance d’avoir des enfants aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. J’ai surtout une grande chance de vivre une seconde enfance à travers celle de mes enfants. Forcément, le rapport à la vie change quand tu redeviens un peu enfant. Tu simplifies ce qui te semble être des grandes choses dans ta vie d’adulte. Ça te remet en question sur des choses parfois trop intellectu­alisées, conceptual­isées, je parle de culture, de religion, de philosophi­e…

Barbapapa,

Dans le morceau vos enfants reprennent la punchline de KYLL (un feat avec Booba) : « Au prochain birthday, on veut Marine en piñata. » Vous abordez des sujets qui touchent à la politique avec eux ?

On aborde les sujets politiques ensemble, mais ce n’est absolument pas pédagogiqu­e. Quand on en parle, c’est en mode «Bébête show». J’ai surtout envie qu’ils aiguisent leur regard satirique sur le monde politique, qui semble dépassé sur plein de points. Barbapapa est sombre dans le propos, il parle de ce qu’on est, une famille métissée. C’est un morceau qui est dans l’acceptatio­n de soi et qui fustige les discours politiques, surtout de l’extrême droite, voulant imposer un unique mode de la vie à la française.

Dans le documentai­re, il y a la question de laisser une trace dans le monde de la musique…

Ce n’est pas du tout important pour moi. Des personnes pensent que j’ai des classiques aujourd’hui, mais on n’a pas la même définition du mot « classique»… Pour moi, c’est un morceau intemporel, qui fait l’unanimité entre différente­s génération­s et, quand on cite le nom de l’artiste, on peut tout de suite sortir un ou deux morceaux de son répertoire. Ce n’est pas mon cas. Je le sais, et je le vis très bien. Je ne cours pas absolument après un succès commercial. J’essaie simplement d’être lucide sur ma place dans le rap et sur ce que je représente : la passion, l’amour d’une musique et surtout la longévité, une qualité importante.

Grand Médine,

Dans vous avez réalisé des feats avec plusieurs rappeurs de la jeune génération, Bigflo et Oli, mais aussi Koba LaD et Larry dans Grand Paris II. Avez-vous la volonté de relier les génération­s ?

J’ai été auditeur de rap, je n’ai pas participé à la naissance de ce mouvement. Je me sens donc un peu au carrefour de ce qu’est le rap aujourd’hui. A la fois en représenta­nt une certaine tradition de ce qu’a été le rap, de chansons à textes et dans quelque chose de plus léger, sur un registre plus mélodieux. Je suis assez content de pouvoir être fédérateur et réunir des courants, des époques, des styles différents.

Tête à coeur,

Dans le titre vous abordez la question du temps qui passe. Est-ce que c’est quelque chose qui vous inquiète ?

C’est vraiment ce qui me terrorise dans ma vie d’adulte. Je suis dans un registre très émotionnel concernant le temps qui passe, c’est de la nostalgie mélangée à de l’appréhensi­on, je n’arrive même pas à faire le tri encore sur ça. Je peux pleurer sur Mistral gagnant de Renaud, parce que, justement, il évoque ça. Je suis à fleur de peau. Voir les êtres qui me sont chers partir, le temps qui éloigne les amitiés, ce genre de choses, ça me terrorise.

« J’ai une grande chance de vivre une seconde enfance à travers celle de mes enfants. »

« Je me sens un peu au carrefour de ce qu’est le rap aujourd’hui. »

 ??  ??
 ??  ?? « Grand Médine » est le dernier album du rappeur du Havre.
« Grand Médine » est le dernier album du rappeur du Havre.

Newspapers in French

Newspapers from France