Des interventions reportées à cause du coronavirus
Epidémie Pour faire face à l’afflux de malades atteints du Covid-19, l’agence régionale de santé a demandé aux hôpitaux le report d’opérations
L’annonce lui a fait l’effet d’un «coup de gourdin sur la tête ». L’opération que Jean-Pierre, 73 ans, devait subir le 28 octobre consistait à lui enlever une partie de l’oesophage. Le septuagénaire, soigné au centre anticancéreux Léon Bérard de Lyon pour un carcinome consécutif à un mélanome, a appris, quelques jours avant, que cette intervention serait déprogrammée. «J’avais accepté l’idée de subir une telle opération, raconte-t-il sans aucune amertume. Je m’y étais vraiment préparé. J’étais bien dans ma tête». Mais cette décision est venue rebattre les cartes. Et doucher temporairement son «éternel optimisme». «J’ai accusé le coup», confesse-t-il.
Pour faire face à l’afflux massif de patients atteints du coronavirus et libérer des lits dans les services de réanimation, l’agence régionale de santé (ARS) a demandé aux établissements hospitaliers de reporter les opérations chirurgicales jugées non urgentes. Résultat : les hospices civils de Lyon (HCL) ont ajourné 62% des interventions. «Le mot d’ordre est toutefois de ne pas déprogrammer tout ce qui concerne la cancérologie pour éviter de prendre du retard dans la prise en charge des patients. On reporte uniquement les interventions qui peuvent l’être », explique-t-on.
«Le malade risque de douter»
Même mot d’ordre au centre Léon Bérard. « Le but est de ne faire perdre aucune chance aux patients », confirme Olivier Tredan, chef du département de cancérologie médical. Toutefois, il y a quelques exceptions, même en matière de cancérologie. Les chirurgies dites fonctionnelles peuvent être reprogrammées comme les reconstructions mammaires. Et les chirurgies «très lourdes » comme celle que devait subir Jean-Pierre.
«Ce sont des opérations qui nécessitent de passer plusieurs jours en réanimation après l’intervention chirurgicale. On est contraint de les ajourner, car nos services de réa sont déjà saturés à 150 % », explique Olivier Tredan. « Dans ces cas-là, il y a nécessité de changer le protocole du malade. Une déprogrammation n’est pas neutre, précise le docteur Jean-Pierre Martin, oncologue et président de la Ligue contre le cancer dans le Rhône. On réalise ainsi une entorse au programme thérapeutique que l’on avait décidé. Et le malade risque de douter. » L’opération de Jean-Pierre a été reprogrammée pour la fin du mois de novembre. «En attendant, l’oncologue a été très réactif, témoigne ce dernier, qui craint que le nouveau rendez-vous ne puisse pas être honoré. Il a été décidé de redémarrer des séances de chimio pour stopper la progression des cellules cancéreuses. Sinon, il y a risque que je devienne inopérable.» «Une reprogrammation de quelques semaines peut se gérer, souligne JeanPierre Martin. Si l’on attend quelques mois de plus, on ne peut pas exclure que cela puisse aggraver le cas du patient, même si cela reste à la marge. »