Filmer les opérations pour se prémunir des erreurs
Le chirurgien Eric Vibert publie un essai sur le «droit à l’erreur et le devoir de transparence» dans le domaine médical
C’est une probabilité qu’on préfère ignorer avant de passer sur le billard. Et si le chirurgien ou la chirurgienne faisait une erreur? Eric Vibert (photo), professeur d’université et chirurgien digestif à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif (Val-de-Marne), pose la question du droit à l’erreur dans un essai original, paru mercredi, Droit à l’erreur, devoir de transparence (éd. de l’Observatoire).
Ecrire un livre pour parler de ses erreurs comme chirurgien, c’est osé…
Ce qui m’a donné envie d’écrire ce livre, c’est que j’ai fait une erreur lors d’une opération et je l’ai compris en regardant la vidéo… qui était, à l’origine, un outil pédagogique. Quand je fais une erreur, ça me paralyse. Ma réaction a été l’écriture de ce bouquin.
Pour la chirurgie, « la meilleure piste de progrès à l’heure actuelle, c’est la transformation du rapport à l’erreur », écrivez-vous. Pourquoi ?
Il faut être capable de sortir des dogmes dans lesquels on évolue pour améliorer sa pratique. Le bloc opératoire est un lieu qui se transforme avec de plus en plus d’assistance, d’aide à la décision. Les chirurgiens vont l’accepter, ou pas. Je pense, par exemple, qu’on devrait filmer toutes les opérations. Mais mettre des caméras au bloc, c’est complètement fou, pour beaucoup. Certains voient l’initiative comme un outil pour blâmer, alors que c’est pour éviter qu’on récidive.
Vous estimez que ce droit à l’erreur permettrait d’améliorer la formation. C’est-à-dire ?
Pour faire de grosses opérations, qui apportent le petit frisson, il faut être considéré comme un grand chirurgien. Je reste persuadé que le succès d’une opération n’est pas lié à un homme providentiel mais dépend d’une équipe et d’un environnement.
Comment passer d’un équipage reposant sur un seul chef à une équipe où les responsabilités seraient partagées?
Par un rapport de confiance et par le fait d’accepter de se tromper. Le problème de ce métier, c’est que certains répondent systématiquement par oui ou par non. Plus je suis instruit, plus je réponds : « Je ne sais pas. » Si vous ne savez pas, vous écoutez les autres. Si je commence à me planter, je veux que le médecin en face de moi me dise : « Tu pars du mauvais côté. » C’est ça qui permet de mettre des barrières.
Vous abordez la question de la relation avec le patient, qui doit être, selon vous, plus transparente…
Il y a une nécessité de modifier le rapport paternaliste du soignant au patient. En tant que médecin, on a une obligation d’informer le malade. Le problème, c’est qu’apporter cette connaissance va prolonger la consultation. Une fois, un patient m’a posé de bonnes questions, et j’ai changé de stratégie. Mais tous les médecins n’acceptent pas de prendre ce temps.