20 Minutes (Marseille)

«La Fille de Brest» vu par une victime du Mediator

Un malade du Mediator a vu le film sur le combat d’Irène Frachon

- Vincent Vantighem

La salle est obscure. Mais on distingue tout de même le visage de Gérard Billard qui s’agite nerveuseme­nt dès qu’apparaisse­nt à l’écran les représenta­nts « bien mis » des laboratoir­es Servier. Cette victime du Mediator a accepté l’invitation de

20 Minutes à découvrir, en avant-première, le film La Fille de Brest qui sort au cinéma ce mercredi. Réalisé par Emmanuelle Bercot, ce biopic retrace le combat d’Irène Frachon, pneumologu­e au CHU de Brest, contre le médicament antidiabét­ique dont les effets secondaire­s pourraient causer, à terme, la mort de 1300 à 1800 personnes en France, selon un rapport d’expertise présenté par le parquet de Paris en 2013. « J’admirais déjà beaucoup cette dame, confie Gérard, à la sortie. Mais alors, après avoir vu ça ! » « Matin, midi et soir », cet habitant de Créteil (Val-de-Marne) a pris du Mediator pendant six ans pour réguler son taux de triglycéri­des avant que son pharmacien lui ordonne, en 2009, de tout arrêter. Ancien pompier profession­nel de Paris, il porte toujours beau, à 74 ans, et n’est pas du genre à se plaindre.

«Je n’arrivais plus à respirer»

Mais quand le film dévoile la souffrance de Carine, tellement essoufflée qu’elle ne parvient plus à monter un escalier, l’arrière-grand-père ne peut s’empêcher de se raconter à son tour. « Dans les années 1970, j’ai été vicechampi­on de France de cyclisme sur piste. L’an dernier, j’ai voulu refaire du vélo avec mon fils. Mais, au bout de 5 km, j’ai dû faire demi-tour. Je n’arrivais plus à respirer. » Monté à la manière d’un thriller haletant, La Fille de Brest éclaire aussi la façon dont le laboratoir­e Servier a lutté pour maintenir son produit sur le marché et éviter ainsi d’indemniser les victimes avant que le scandale sanitaire n’éclate. On y découvre tout le mépris affiché par ses experts à l’endroit d’une « petite pneumologu­e bretonne » qui leur réclame des comptes. « Leurs sourires carnassier­s, leurs beaux habits… J’ai eu l’impression de revoir ceux qui se sont occupés de mon cas, lâche Gérard. J’ai une valvulopat­hie à cause du Mediator. Mais lors de l’expertise, ils m’ont fait passer pour un imposteur. Et je n’ai rien eu jusqu’à présent. » Puissants contre misérables, les laboratoir­es Servier ne se sont, sept ans après le début de l’affaire, toujours pas expliqués devant les victimes à l’occasion d’un procès pénal. Quant aux procédures d’indemnisat­ion au civil, elles s’apparenten­t plus à un parcours du combattant que les malades ont bien du mal à emprunter. C’est sur ce constat amer que La Fille de Brest s’achève.

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Benoît Magimel interprète un chercheur qui soutient la pneumologu­e.

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