Des témoins, oui, mais bien trop peu de témoignages
Le jeune Tony aurait pu être sauvé si les voisins avaient parlé
Tony avait 3 ans. D’après les résultats de l’autopsie, il est mort, samedi, d’une « rupture de la rate et du pancréas » liée à des coups à l’abdomen. Des coups, il en a reçu beaucoup. Les premiers éléments de l’enquête indiquent que le garçonnet servait de souffre-douleur à son beau-père depuis plus d’un mois.
Le stress, la légitimité
Lundi, le procureur de la République de Reims a laissé tomber un terrible constat : « Plusieurs voisins semblent avoir eu connaissance de ces maltraitances. Lorsque la police est venue, ce n’était que pour des questions de tapage, personne ne leur a signalé qu’un enfant était battu. » En intervenant ne serait-ce que le mardi ou le mercredi, Tony aurait pu passer la Noël 2016. « Ça arrive, confirme un policier. Les gens n’ont pas envie de se mêler de la vie de leurs voisins, ou bien ils ont peur des représailles. » La psychiatre Muriel Salmona, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie, voit dans ce refus de s’impliquer l’une des grandes erreurs souvent commises en cas de maltraitance sur mineurs : « Les gens ne se sentent pas légitimes pour intervenir, on considère souvent que l’enfant est la propriété de ses parents. Certains se disent aussi qu’il peut s’agir d’un enfant capricieux. » D’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte : « En situation de stress, on a souvent un blocage de la pensée, on se retrouve paralysé ou bien on réagit de façon inadaptée. » Quoi qu’il en soit, « ce n’est pas aux gens d’enquêter pour savoir si leurs soupçons sont fondés », insiste la psychiatre qui enjoint chacun à appeler soit le 17 soit le 119, le numéro d’Enfance en danger. En matière de violences intrafamiliales, il y a deux cas de figure. La situation exige une intervention immédiate et des policiers se rendent sur les lieux. Si ce sont des faits récurrents, mais qui ne sont pas en train de se dérouler, la police alerte le parquet, qui va saisir l’Aide sociale à l’enfance (ASE). La brigade des mineurs est également saisie. « Dans tous les cas, on ne peut pas être au courant de faits que personne ne nous signale », insiste un policier. En France, d’après une étude de 2014, plus d’un enfant sur dix est victime de maltraitance et 45 % des Français soupçonnent un cas dans leur entourage immédiat. » Pour Muriel Salmona, les conséquences de ces maltraitances sont désastreuses : « C’est parfois jusqu’à 20 ans d’espérance de vie qui s’envolent. »