La guerre part en live
Facebook, Twitter, Instagram ou Snapchat... La bataille de Mossoul, en Irak, se suit tel un feuilleton sur les réseaux sociaux. Parfois sans le moindre filtre.
La vidéo dure près de quatre heures. Il n’y a ni son ni sous-titre. Le 17 octobre, plusieurs médias internationaux diffusent pour la première fois, en direct et sur Facebook, les images tournées par l’agence kurde Rudaw de la bataille de Mossoul (Irak) contre les djihadistes de Daesh. Le live rassemble ce jour-là entre 500000 et 900 000 internautes. Depuis le début de l’offensive, Twitter, Facebook, Snapchat ou Instagram regorgent de contenus postés par les différentes parties prenantes du conflit qui immortalisent, chaque jour, leurs avancées respectives. Les réseaux sociaux ont-ils transformé notre façon de faire la guerre et quel impact peut avoir la retransmission d’un conflit en direct ?
« Quoi qu’il se passe, il y aura des images de la guerre. »
François Bernard Huyghe, Iris
« C’est une tendance lourde instaurée par le groupe Etat islamique. Outre leurs “blockbusters” à gros budgets, il est important de noter que les djihadistes produisent essentiellement de courtes vidéos à la caméra GoPro, du front et de la situation à l’arrière. C’est une stratégie : quoi qu’il se passe, il y aura des images de la guerre, alors autant que ce soit les siennes », analyse François Bernard Huyghe, directeur de recherches à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur de Terrorismes, Violence et Propagande (Ed. Gallimard). « Poster sur les réseaux permet de nourrir ses partisans et d’atteindre l’opinion internationale. Cela correspond aussi à de nouveaux usages. Aujourd’hui, tous les combattants, nés pour certains avec Internet, ont un portable », poursuit-il. Correspondant à Mossoul pour Le Figaro, Samuel Forey se souvient d’une anecdote significative : « Début novembre, lorsque les soldats irakiens sont entrés dans Mossoul, l’accès a été temporairement restreint pour les journalistes. Une voiture d’une compagnie téléphonique est entrée sans problème dans les zones contrôlées par l’armée, suivie de camions avec du matériel pour installer des antennes. Ça m’est arrivé de capter parfaitement la 3G dans certains coins de Mossoul. » La pratique n’est pas nouvelle, souligne Bénédicte Chéron, docteure en histoire spécialiste des relations armées-médias : « Pendant la Seconde Guerre mondiale, les compagnies de transmissions étaient déjà sur la ligne de front. Ce qui a changé, c’est l’usage que les soldats font des canaux de communication. » Au-delà des contenus postés par les combattants, le rôle joué par les réseaux sociaux comme plateformes de diffusion semble décisive. Après le premier Facebook live en direct de Mossoul, Snapchat proposait à ses utilisateurs une « story » dédiée à la bataille irakienne. Une initiative qui a suscité de nombreuses interrogations, la vidéo compilant une série d’images amateures peu contextualisées tournées près de la ligne de front.